Deux mois à peine après être devenue infirmière en chef en chirurgie aux Cliniques de l’Europe, site Ste-Elisabeth, à Bruxelles, Anne-Françoise Bottu est confrontée en première ligne à la pandémie de coronavirus. "Le 8 mars au soir, on a appris que notre service devenait une unité Covid-19. On a ouvert le 9 mars et on a accueilli le premier patient à midi, puis le deuxième à 15h… Après trois jours, nous avions déjà 12 patients, sur une capacité de 18 chambres", explique Anne-Françoise.

Depuis, le service a trouvé ses marques. "Il faut veiller à tout, penser à tout. Ce qui génère une fatigue supplémentaire. Les premiers jours, il fallait acquérir certains gestes, mais tout s’est bien passé. J’ai mis en place un système de circuit, avec un travail à 2 infirmières. Le travail est beaucoup plus lourd que d’habitude, même si les gestes posés ne le sont pas".

Face à la pandémie de coronavirus, les hôpitaux ont dû faire preuve de réactivité et d’adaptation. Une multitude de choses a ainsi été mise en place. "Je dois avouer que nous sommes super gâtés au niveau du matériel. A part un petit flottement de 24 heures au début, tout ce que j’ai demandé, je l’ai reçu", souligne Anne-Françoise Bottu. "La situation actuelle soude en tout cas les équipes. Sur mon équipe de 18 infirmières, une seule est tombée malade, à son retour de congé. Sinon, personne n’a été touchée. C’est la plus belle victoire pour mon équipe".

"Un incroyable élan de solidarité"

Confrontée à la mort depuis le début de la crise sanitaire, Anne-Françoise et son service tiennent le coup moralement. "Car on est vraiment soutenu. Il y a un incroyable élan de solidarité. De la part des habitants du quartier qui cuisinent tous les jeudis pour les infirmières des unités Covid-19. Il y a aussi des sociétés qui font des gestes, comme une pizzeria qui nous a livré des pizzas tous les soirs pendant quinze jours. Cela fait plaisir, car le personnel a été reconnu et aussi soutenu, par la direction également. Je suis très consciente de la chance que l’on a, ce n’est peut-être pas le cas partout".

Humainement, la période actuelle s’avère très forte. "On s’est attaché à certains patients. Nous sommes les seules relations qu’il leur reste, comme les visites sont interdites. Une dame arrivée le 9 mars est repartie il y a 10 jours à peine, sur ses deux pieds alors qu’à un moment le pronostic n’était pas bon ou bien mettre son pronostic vital était engagé. C’est une magnifique victoire. On tisse vraiment des liens particuliers avec les familles, que nous appelons tous les jours pour les tenir au courant. Toutes les familles nous connaissent par nos prénoms. Malgré toute cette crise, on vit quand même de beaux moments. Comme encore le fils d’un patient qui nous a appelés par WhatsApp pour nous montrer son papa nous faire des bisous depuis le fond de son jardin. Alors oui nous avons des baisses de régime au moral, mais nous vivons des moments de vie incroyables".

Le déconfinement a entretemps débuté. Prudemment, en théorie. "Au niveau du personnel, nous sommes persuadés qu’il y aura une deuxième vague de la pandémie. Mais on espère secrètement qu’elle arrive vite et qu’elle ne survienne pas en novembre, avec alors l’arrivée de la grippe et d’autres virus notamment", reconnaît Anne-Françoise. "Mais si tout le monde joue le jeu, si tout le monde porte le masque, on s’en sortira. J’aime bien la phrase entendue l’autre jour ’En moto je porte mon casque, en ville je porte mon masque’. Le masque est notre seule protection".

"Nos parents et grands-parents ont connu la guerre, mais là nous vivons une autre sorte de guerre, c’est une guerre virale, une guerre invisible. Jamais je n’aurais imaginé vivre ça un jour", conclut Anne-Françoise Bottu, qui continue en parallèle de participer aux réunions virtuelles de la LBFR pour préparer les mois à venir.