RWC 2015 : la France au lendemain de la correction
De notre envoyé spécial Christian Cloos
Source : midi Olympique
Hélas, il n’y a pas eu de miracle. L’équipe de France n’a pas renversé la montagne néo-zélandaise pour sauver quatre des pires années de son histoire. Au contraire, même, elle s’est noyée sur le terrain du Millennium, broyée par la bande à McCaw, humiliée. Honteuse autant que nous pouvons l’être après cette défaite qui relègue les échecs de Skrela (face à l’Afrique du Sud) ou Laporte (déjà face à la Nouvelle-Zélande) au rang d’anecdotes. Du coup, Philippe Saint-André présente le plus sinistre bilan des sélectionneurs tricolores. Au plan des résultats (personne avant lui n’a vécu pareille déroute en Coupe du monde), mais tout autant en ce qui concerne le jeu de rugby puisque l’héritage tricolore a été dilapidé depuis 2011. Ici, le Top 14 et son rythme dantesque ne sont pas en cause, même si nos institutions ne pourront éviter l’examen de conscience et la remise en question. Tout juste cette fessée a-t-elle valeur de circonstance atténuante, comme la formation de nos jeunes qui n’est plus à la page.
Avant qu’il ne soit englouti sous une avalanche de critiques, nous reconnaîtrons une chose à Philippe Saint-André : son abnégation à combattre, fonçant droit devant, persuadé de son succès et de sa destinée. Ce qui avait fonctionné en 1994, lors de la plus célèbre tournée des Bleus au pays des Blacks, n’a pas produit de miracle sur les terrains, depuis quatre ans. Parce qu’il n’est plus sur le terrain, justement, à montrer l’exemple ? Peut-être… Parce qu’il n’est pas, non plus, le technicien, stratège et éclairé, que l’on voulait bien nous vendre depuis des lustres ? Certainement. Ou plutôt évidemment. Parce que Saint-André a voulu tout porter des casquettes (du manager, de l’entraîneur et du technicien confondus dans sa quête de gloire personnelle) qui lui étaient proposées, jusqu’à brouiller les pistes et rendre son discours inaudible ? Cent fois vrai. Les erreurs de casting sont nombreuses, toutes aussi lourdes et souvent décisives.
D’un bout à l’autre, Saint-André s’est accroché à son étoile, pensant que le tout physique sauverait son mandat, que ce jeu de duels et de chamboule-tout suffirait à rivaliser avec le reste du monde. Sauf que le rugby international n’a rien à voir avec le modèle du Top 14 qu’avait peiné à maîtriser PSA lorsqu’il était à la tête du RC Toulonnais. Il s’est encore accroché à son ouvreur, Frédéric Michalak, pensant que son génie, son inspiration et ses coups d’éclat permettraient de sauver la face, l’honneur et les résultats. Rien n’y a fait. Les Bleus ont tout perdu. Comme Michalak qui termine sa carrière internationale blessé, et vaincu, après avoir fait entretenu l’illusion en matchs de poule.
Pour les Bleus, Saint-André et Michalak, la Nouvelle-Zélande a chassé les doutes. Le plan du sélectionneur a volé en éclat quand son ouvreur, dès les dix premières minutes de jeu, ratait deux plaquages consécutifs sur Ma’a Nonu avant d’être contré par la vivacité du meilleur deuxième ligne du monde (Brodie Retallick) pour offrir aux Blacks le premier essai d’une longue farandole. Stop, n’en jetez plus. Comme on dit souvent, la coupe est pleine. Saint-André peut enfin tourner les talons, nous refermons le chapitre de son mandat en espérant que le rugby français tout entier ne se voilera pas la face -et les yeux- devant les lacunes de son sélectionneur pour justifier son propre immobilisme.