Un Belge en Top 14, c’est rare. Encore plus quand il s’agit du Stade toulousain. Le 23 novembre dernier, face à Perpignan (41-9), Matias Remue a fait ses grands débuts en championnat de France au stade Ernest-Wallon. Auteur d’une prestation prometteuse et pleine d’insouciance, l’arrière ou demi d’ouverture international, formé à Kituro, n’en finit plus de franchir les étapes. À 21 ans, il commence à se faire une place au sein de l’effectif pléthorique du club champion de France et d’Europe.
Comment s’est déroulée votre découverte du Top 14 ?
C’était vraiment cool. Une très belle première expérience, sans le stress qui aurait pu être un facteur important pour un premier match en Top 14. J’ai essayé de saisir cette chance, parce qu’à Toulouse forcément, il n’y en pas beaucoup.
Est-ce que cette première titularisation était une surprise ?
Oui et non. J’ai eu un petit pépin musculaire il y a un mois et demi, la semaine où je devais effectuer ma première à Castres... Mais Ugo Mola a continué de me faire confiance et de m’incorporer au sein du groupe. J’ai été 24e homme lors du déplacement à Bayonne et il m’avait annoncé, à la fin de la partie, que je ferais ma grande première face à Perpignan. Le seul point d’interrogation était finalement de savoir si j’allais jouer en numéro 10 ou 15. J’ai essayé de faire une semaine d’entraînement normale tout en peaufinant quelques détails et j’ai obtenu ma place à l’arrière.
Depuis plusieurs mois, vous êtes justement baladé entre ces deux postes. Lequel vous convient le plus désormais ?
À la base, je suis formé pour jouer à l’arrière. J’ai toujours évolué à ce poste dans les catégories jeunes. Mais, au fil du temps, surtout à Toulouse où la polyvalence est primordiale, j’ai commencé à jouer à l’ouverture. Dans le système tactique du Stade, les deux postes ont des rôles similaires. Cela dit, mon poste préféré reste le 15, car il offre beaucoup plus de bons ballons d’attaque à jouer. Je m’éclate aussi en 10, notamment pour son importance dans l’analyse du jeu.
La polyvalence est devenue un élément essentiel au Stade toulousain…
C’est un énorme bénéfice pour l’équipe, mais aussi pour nous dans notre évolution en tant que joueur. Les choix sur les feuilles de match se font de plus en plus en faveur de ceux qui peuvent couvrir plusieurs postes sur le terrain.
Au Stade toulousain, la concurrence est intense et la polyvalence presque obligatoire pour s’imposer. (©Stade toulousain) |
L’impact du Top 14 a peu d’équivalents dans le monde. Quelles ont été vos premières impressions face à Perpignan ?
Pour nous, en Belgique, le Top 14 est énorme ! Cependant, je pense que le plus choquant a été les premiers entraînements avec le groupe professionnel du Stade toulousain. Ensuite, une fois que l’on est rentré dans la routine, l’adaptation se fait petit à petit, et il devient plus facile d’appréhender cet environnement exigeant… Finalement, le plus stressant a été les premiers matchs amicaux, cet été. Contre Perpignan, je me sentais prêt à faire le grand saut à ce niveau. Cela reste simplement du rugby, ce que j’aime le plus. Je ne me suis pas pris la tête avant ni pendant le match.
Si on revient un peu sur votre parcours… Le rugby reste peu courant en Belgique. Comment cette passion a-t-elle pu naître chez vous ?
C’est la faute de mon père, qui est un grand fan de football depuis toujours. Il a voulu m’éloigner de la mentalité parfois compliquée de ce sport et un ami lui a présenté le rugby ! Nous avons fait des tests et j’ai accroché. Au fil des années, j’ai voulu chercher des structures pour me développer davantage, et le choix de déménager en France s’est naturellement imposé.
L’idée de devenir un joueur de haut niveau semble être arrivée rapidement…
Je ne sais pas si c’est rapide… Mais à partir de mes 16 ans, cela devenait palpable. En Belgique, à cet âge, on peut commencer à toucher les sélections de fédération, puis les U18... Goûter à ce niveau m’a donné envie d’aller plus loin. En travaillant énormément, tout devenait possible.
Vous avez aussi eu une sacrée émulation avec votre frère, Florian Remue, qui a joué avec vous en espoirs…
De nos 6 ans jusqu’à encore l’année dernière (Florian Remue a quitté le Stade toulousain pour rejoindre l’Avenir Valencien Rugby en quatrième division française), nous avons toujours joué ensemble. J’ai énormément de souvenirs avec lui : nos premières avec les Diables Noirs, le Stade toulousain et, bien sûr, le titre de champion de France espoirs, la saison passée.
Matias et Florian Remue ont été sacrés champions de France espoirs, la saison passée, après une finale fantastique face au Castres olympique (26-15). (©Stade toulousain) |
En 2022, avec votre frère, vous rejoignez l’un des plus grands clubs au monde, le Stade toulousain. Comment deux jeunes belges du club de Kituro ont-ils pu se retrouver du jour au lendemain au sein de cette institution ?
À 18 ans, nous avons fait notre première année en seniors avec le Kituro. Le contact s’est créé uniquement grâce à notre entraîneur, aux Brussel Devils et en sélection, Sébastien Guns, qui fréquentait des formateurs du Stade toulousain. Il a décidé de nous mettre en relation avec le directeur du centre de formation, qui nous a proposé de faire une semaine d’entraînement à Toulouse. Sauf que je me blesse à ce moment-là… Logiquement l’histoire semblait mal embarquée pour moi. Mais, au final, le club a pris la décision de nous recruter tous les deux !
Passer de la Belgique au Stade toulousain, la transition a dû être radicale pour vous…
Oui clairement. C’était difficile de se retrouver à manger et s’entrainer, tous les jours, avec des personnes connues à la télé. Mais mentalement, nous étions prêts à tenter l’aventure. À titre personnel, je suis rapidement entré dans la mécanique du haut niveau. Mon but était de progresser et d’essayer de toucher au monde professionnel.
Vous avez franchi les étapes petit à petit au Stade toulousain, en passant des espoirs au groupe professionnel à seulement 21 ans. Malgré l’immense concurrence que l’on retrouve au sein des champions de France en titre, est-ce le club idéal pour découvrir le monde professionnel ?
Tous les clubs de Top 14 ont la même logique de formation. Mais au Stade, elle s’est accentuée ces dernières années, et les résultats sont là. En espoirs, nous enchaînons les titres, ce qui permet au staff professionnel de prendre plus facilement le risque de faire jouer les jeunes.
Matias Remue s’est rapidement adapté à l’énorme exigence du rugby professionnel. (©Stade toulousain) |
Maintenant que vous avez goûté au Top 14, quels sont vos objectifs ?
Je vais m’entraîner chaque semaine pour essayer de gagner ma place sur les feuilles de match, le week-end. La concurrence est forte, mais mon objectif est de performer et, surtout, de continuer à progresser.
Au milieu de cette progression, est-ce vous avez encore le temps de penser à la sélection belge ?
J’ai remis les pieds en sélection pour la première fois, depuis mon départ en France, lors de la tournée en Amérique du Sud cet été. Jouer des matchs internationaux, quel que soit le niveau, reste une véritable chance. Toucher à ce niveau est incroyable.
Sous contrat jusqu’en 2026, Matias Remue veut continuer de progresser au sein de l’équipe d’Ugo Mola. (©Stade toulousain) |
Depuis l’année dernière, la fédération a lancé un nouveau projet avec One Belgium Rugby. Avez-vous ressenti une nouvelle ambition pour les Diables Noirs ?
Il y a eu des efforts au niveau du sportif mais aussi sur le plan extra-sportif. Au niveau du groupe, si tout le monde se libère, il y a un bon potentiel. Actuellement en sélection, tout se passe à merveille, que ce soit en dehors ou sur le terrain.
Il y a aussi une envie de vivre une Coupe du monde en 2027…
Il n’y a jamais eu une telle chance d’atteindre une Coupe du monde pour la Belgique ! Il faut seulement finir deuxième sur quatre équipes au prochain Rugby Europe Championship. Sur trois matchs à jouer, tout est possible. Notre équipe nationale a un gros potentiel, et il faut absolument croire en cette chance.
En dehors de l’équipe de France, les clubs professionnels restent réticents à l’idée de laisser leurs éléments évoluer avec leur équipe nationale. Est-ce qu’en février vous pourrez participer à la campagne de qualification pour la Coupe du monde 2027 ?
Je n’ai pas encore eu d’informations concrètes à ce sujet. Mais évidemment, si je peux me libérer, j’espère pouvoir participer au Rugby Europe Championship 2025 !