L’arbitrage est souvent le centre des discussions le week-end. Des critiques se font de plus en plus souvent entendre aux bords des terrains. A juste titre ? Secrétaire de la Commission des Arbitres, Serge Goffinet nous éclaire et fait le point.

Serge, quel est ton bilan bilan technique suite aux nouvelles adaptations des règles ?

Serge Goffinet : "Les arbitres se sont adaptés rapidement. La mêlée ne pose pas plus de problème que d’habitude et la règle du ruck est utilisée a bon escient.

Sur le fond, on demande de moins siffler, de veiller à la continuité du jeu en ciblant les fautes et ce, en analysant au plus vite les intentions des joueurs. Bref faire le tri des fautes qui ne permettent pas à la continuité du jeu. (lire aussi l’article dans Rugby’s Spirit sur la continuité et le rôle de l’arbitre).

Le ballon doit circuler avec maintenant un critère de temps sur le ruck (5 secondes), des touches rapides plus offensives, moins de temps en mêlée...

On rentre dans un système d’évaluation de l’action de jeu entreprise, une lecture du jeu plus rapide avec comme effet toujours plus de pression sur la cohérence et la justesse de la décision arbitrale.

Pour y arriver, il faut des arbitres qui soient aussi des tacticiens qui jugeront si en effet on joue la continuité ou pas. Les avantages deviennent encore plus importants dans sa gestion. 

Mais bien sûr et malheureusement, cela suscitera toujours des incompréhensions chez le public et sur les bancs qui discutent encore plus les décisions, car ils n’ont pas le même nombre d’éléments d’analyse que l’arbitre.(position sur le terrain, analyse des fautes, dynamique du jeu, gestion de l’avantage, gestion générale du match etc).

Mais soyons clair : l’arbitre ne calcule pas qui doit gagner, il gère une situation complexe dans une dynamique de jeu afin de favoriser le spectacle en sécurité !

Afin d’aider les arbitres dans ce domaine, une formation sur la continuité du jeu est organisée en janvier avec l’intervention de Philippe Marguin, coach d’arbitre en Top 14 et officiel FFR".

On sent une certaine inquiétude dans tes propos.

S.G.  : "Nous avons remarqué que la pression devient plus importante ! La pression sur les joueurs, sur les entraîneurs, sur les dirigeants, sur le club ! On parle de « rugby attitude » mais il ne faut pas oublier que cette attitude doit être pour tout le monde et tout le temps, durant la semaine, avant, pendant et après le match et doit venir du public comme du banc.

Ne passons pas la ligne rouge ! Pourquoi le corps arbitral devrait accepter certains comportements et insultes sur le bord du terrain sous l’excuse que ce sont des « émotions normales » ou "la passion qui nous anime", et que tout cela est normal et compréhensible vu le contexte du match !

N’oublions jamais que les arbitres ne sont que des hommes, avec tous leurs défauts, et que leur humiliation en public reste intolérable.

Il y a aussi les instances fédérales, qui doivent nous supporter et assurer notre crédibilite sur nos décisions. C’est ce qu’il se passe à l’IRB, à l’ERC... donc cela doit aussi se passer chez nous ! Tous le monde demande une chose : la crédibilité et la justice dans une décision. 

Mais pour terminer sur une note positive on espère toujours entendre le fameux "mais bien sûr....depuis le début !" ".

Plusieurs "nouveaux" arbitres ont fait leur apparition en division 1. Comment se déroulent les désignations d’arbitres K

S.G.  : "Oui, une nouvelle génération arrive doucement. Cela se passe pour le moment plutôt bien. Malheureusement, il arrive que certains clubs contestent les désignations des arbitres, avec des raisons variables. 

Voici le processus de désignations. Nous avons des techniciens formés qui soumettent des rapports de vision/performance au collège de la Direction Technique Nationale qui est en charge des désignations à tous les niveaux. Il y a donc des gens au-dessus qui décident avec des critères sportifs clairs. C’est ainsi que cela fonctionne dans tous les sports. Au niveau international, on procède de la même façon. 

Pour certains, Joubert n’était pas bon en finale de Coupe du Monde pour d’autres c’est le meilleur arbitre de la planète ! C’est ainsi et il faut l’accepter. 

Soyons clair, il y a de nombreux critères techniques, physiques et humains pour rester objectif sur le niveau actuel mais aussi sur le potentiel de l’arbitre. 

Un jour il peut être bon (bien que je n’aime pas ce terme) et un autre jour moins bon ! Comme un joueur d’ailleurs ! La nuance est qu’un joueur peut être supporté par ses coéquipier ou être substitué : l’arbitre non ! Donc il peut involontairement peser dans la balance d’une rencontre….. alors la vox populi dit qu’il n’est pas dans un bon jour !

On a même été jusqu’à nous proposer de donner l’opportunité aux clubs de réagir avec un rapport sur l’arbitre qu’on envoie à la Commission des arbitres pour exprimer son avis et en tenir compte pour le futur. Cela n’a pas marché dans le passé car le jugement n’est jamais objectif ! Celui qui gagne est content celui qui perd, en colère.

La commission désigne des arbitres qui sont là pour essayer de favoriser le jeu...quelque soit le niveau de jeu.... que nous ne critiquons pas...".

Vu de l’extérieur, la Commission des Arbitres et les arbitres constituent une famille à part.

S.G. : "Bien-sûr ! Une famille agréable et accueillante. Mais pas une Mafia !

Nous sommes à l’écoute des clubs tant que cela reste dans un échange positif. Il est clair qu’il y a des décideurs et ceux-ci sont là pour diriger et prendre des décisions qui plaisent ou non.

Mais il y aura toujours des gens qui vont chercher le petit écart pour expliquer que réellement l’arbitre a été influencé pour changer le cour d’une rencontre. Nos arbitres sont indépendants mais nous leur demandons d’être ouverts, respectueux avec les gens et surtout, de ne pas réagir négativement à certains propos provocateurs . 

Nous avons en interne assez bien d’expérience pour juger et savoir le genre de réactions a adopter face à des propos qui pourrait déborder. Et c’est bien notre rôle de conseiller sur ce qu’on peut faire ou pas . 

Nous avons en interne aussi remis des collègues sur le chemin qu’on veut voir au niveau du comportement. On oublie assez vite « les droits et les devoirs » !

C’est un sport ! Ne l’oublions jamais !"

Pour conclure, quid des formations en 2013 ?

S.G.  : "Nous avons lancé un cours d’arbitrage (dans différentes régions du pays) pour les futurs collègues qui voudraient aider des autres à jouer. Il est clair qu’il y a de la place à tous les niveaux et que c’est ouvert à ceux qui veulent rentrer dans une Commission, un groupement où le respect et la bonne humeur sont de mises. On s’aide l’un l’autre et on s’explique dans une ambiance sereine afin d’avancer chacun dans son plaisir. Chacun connaît son rôle et chacun est conscient de ce qu’il peut donner.

Alors les « arbitres » des bords de terrain, les places sont là, venez vivre avec nous……c’est plus facile que de crier derrière notre dos".