L’Interview du Jeudi, par Alain Bloëdt

A ton arrivée à Dendermonde, ton objectif était d’abord d’emmener les équipes U16 et U19 en division 1 dans les 4 ans. Tu dois être satisfait des performances de ces deux équipes cette saison ?
Oui le contrat est rempli avec deux ans d’avance grâce à un formidable travail d’investissement des entraîneurs et une acceptation de se remettre en question sur certaines choses. Conséquence immédiate, le club a dépassé 500 affiliés. Il y a une quarantaine de joueurs en U14, U16 et U19 avec quelques beaux talents.

Ironiquement, tu as pris la succession de Hugues Dispas qui t’a fait venir mais qui a été démis de ses fonctions brutalement (NDLR : suite à un match de Coupe perdu par Dendermonde au cours de la saison 2013-14 – lire son interview). Comment s’est passée la transition ?
L’ambition à mon arrivée a été de fidéliser car il y avait une rupture avec le groupe et beaucoup de jeunes de Dendermonde voulaient quitter le club et d’autres retourner dans leur club d’origine.

Comment es-tu parvenu à fidéliser ?
Par un contrat de confiance. On leur a dit que notre objectif était de construire sur le long terme, de ne plus aller chercher à l’étranger des joueurs à des postes alors qu’on avait dans le club des joueurs qualifiés. On leur a aussi présenté un projet de jeu ambitieux qui était relié à celui de l’USAP, alors en TOP 14, grâce à Marc Delpoux, le coach de l’époque, qui nous avait transmis son plan de jeu.


(Photo Sportkipik.be)

Quel était ce projet de jeu offert par Perpignan ?
Il partait du constat que les temps de jeu augmentent, ce que l’on ne constate pas seulement en France mais aussi en Belgique grâce à Tom De Clercq qui a un programme d’analyse exceptionnel.

As-tu des statistiques précises à partager avec nous ?
La saison passée, nous avions une moyenne de 35 mn de temps de jeu effectif. Cette année, nous sommes au-dessus de 37 mn hormis la demi-finale contre Frameries où il n’y a pas eu de match car Frameries s’est mis trop de pression.

Par contre la finale de coupe remportée contre Soignies était âprement disputée ?
Effectivement, nous sommes montés à 41 mn de temps de jeu effectif avec un temps de jeu record à 3 mn, 4 temps de jeu de plus de 2mn et une dizaine entre 1 et 2 mn, ce qui est beaucoup.

Cela devient comparable au niveau professionnel …
Oui, cela signifie qu’au niveau des pertes de balles, des enchaînements des temps de jeu, le niveau belge a augmenté même si certains aiment à dire que c’est l’inverse. Les statistiques sont implacables.

Donc pour revenir à ton projet de jeu inspiré de Perpignan, comment ton staff et toi êtes-vous parvenus atteindre ces temps de jeu incroyables ?
C’est simplement un système de bloc en rotation : l’un travaille, l’autre qui tout en se replaçant est en récupération active et le dernier récupère. Donc ils travaillent un temps sur trois.

Est-ce-suffisant ?
Derrière ce principe de base, nous nous sommes efforcés d’utiliser les forces de chacun et de donner un rôle clair à chacun avec des catégories (l’impact player, le leader).

Comment gérez-vous cela ?
Nous n’avons pas qu’un seul leader mais trois, puis quatre ou cinq impact players selon les tiroirs qu’on utilisera. S’ajoutent des joueurs qui sont dans l’évitement. Nous avons donc cette structure où le joueur, sur un code, sait qu’il y a cinq temps de jeu programmés, ce qui peut lui permettre de se retrouver en différents blocs qui travailleront un temps sur trois. Evidemment, il y a des skills derrière qui nous permettent par exemple de conserver le ballon.

Combien de joueurs sont présents dans les blocs ?
Il y a deux types de blocs. C’est trois joueurs quand le jeu est lent et quatre quand le jeu est plus rapide et qu’il y a plus d’espaces entre les joueurs. Ensuite, en fonction de la zone sur le terrain, ils ont différentes possibilités.

Mets-tu un leader par bloc ?
Oui et il a trois choix de jeu. Par contre, on lui laisse la créativité en fonction de ce qu’il voit.

En combien de temps es-tu parvenu à mettre en place ce système ?
Une équipe de Top 14 comme Perpignan met trois mois pour l’assimiler. Nous, c’est deux ans. Mais c’est là la surprise car à Dendermonde, ils le maîtrisent beaucoup plus tôt que prévu.


(Photo Sportkipik.be)

En même temps, Dendermonde sait s’entourer depuis plusieurs saisons de joueurs qualifiés, recrutés à l’extérieur et j’imagine capable d’assimiler aisément de tels projets de jeu ?
La première année, le plan de jeu était là mais on avait beaucoup trop de joueurs étrangers qui arrivaient en Belgique avec leurs idées et qui avaient du mal à se remettre en question. Ils étaient essentiellement de culture anglo-saxonne et donc vite dérangés dés qu’on mettait un peu trop de créativité, sachant que ce n’était pas des joueurs du niveau Top 14 !

Vous avez donc révisé votre politique de recrutement ?
D’un côté, le club investissait dans des infrastructures et la politique était de faire de la place aux jeunes qui montaient. On a donc pris le risque de faire partir des Australiens et Néo-Zélandais à l’exception d’une arrivée car, pour le reste, ce sont des joueurs qui sont venus des clubs des alentours. Si notre 9 vient d’Aurillac par exemple, il faut savoir qu’il travaille à Bruxelles et à Anvers mais souhaitait tenter le coup un peu plus haut. On a aussi poussé nos jeunes : Arno Zaman, Ben Macharis, David Jenkins, … tous issus du club, qui jouaient en réserve l’année dernière et qu’on attendait pas à ce niveau cette saison. Pareil pour notre centre que tout le monde considère anglais à l’instar d’Emmanuel Descamps qui dans sa dernière interview – c’est un ami, je peux me permettre – balance que « 10-12-13 à Dendermonde sont des étrangers ». Le 12, c’est Chris Goossens qui a fait toute sa carrière à Dendermonde, il a 33 ans mais il s’est réinvesti à 200% et on l’a utilisé avec ses qualités - le plan de jeu le permet - c’est-à-dire que c’est un premier centre qui ne va que déblayer, que défendre. Il nous permet de garder les ballons, point barre.

Vous maximisez donc les qualités de chaque joueur pour le bien de l’équipe ?
C’est ce qui est génial dans ce plan de jeu, qui n’est pas de moi comme je te l’ai dit. Le groupe, du coup, s’entend à merveille, se retrouve régulièrement pour d’autres activités et cela attire un peu plus de public car il y a plus de jeunes du coin, à l’exemple de Jonas Van Den Bosshe le pilier gauche qui a 21 ans et que je considère comme un des meilleurs joueurs de Belgique.


(Photo Sportkipik.be)

Tu sembles aussi avoir un groupe réactif ?
Au niveau physique, il y a une autre culture. Tu peux leur faire confiance qu’ils respecteront le plan d’entraînement que tu leur donneras. Par rapport à ce que j’ai connu ailleurs, c’est le jour et la nuit. A Frameries, la 2ème année où j’étais là, on a prouvé aux joueurs qu’on n’était pas au point physiquement et ils ont accepté d’intégrer des entraînements supplémentaires. On a eu des résultats immédiats : on avait peut-être pas le banc suffisant pour aller au bout mais on a atteint demi-finale et finale. En 3ème année, le soufflet est retombé. A Dendermonde, il fat 5° degrés dehors et on les voit arriver en vélo ! C’est une autre culture.

Le taux de présence et d’implication est également plus élevé ?
On a, par moment, comme tout le monde, des creux, en janvier par exemple. Cette année, c’est particulier car on a commencé la saison au point grâce à un gros noyau stable et des victoires immédiates.

Revenons sur la finale, tu aurais préféré l’ASUB à Soignies qui vous a posé beaucoup de problèmes en finale de coupe ?
On n’a pas vraiment le choix. Cela reste une finale et l’ASUB a l’habitude d’en jouer avec un jeu bien en place depuis pas mal d’années. Soignies a fait un très gros match. Néanmoins, si l’essai de Tom Coupé n’est pas refusé alors qu’aussi bien Tom que des joueurs de Soignies m’affirment qu’il était valable, à ce moment-là, c’est 20-03. Au contraire, on prend une carte jaune et ils marquent ! Non la difficulté, c’est de faire deux finales.

Quel était ton pronostic ?
J’avais fait le pari que Soignies perdrait contre l’ASUB en demi-finale parce que c’était à Waterloo, que les joueurs venaient de perdre une finale avec, quand même, une grosse frustration car ils y avaient cru et qu’être aussi prêt et la rater, cela se joue mentalement. Ils ont également joué sans Bertrand Billi, le chef d’orchestre dont l’absence s’est vu dans des choix en première mi-temps alors que Soignies faisait un gros match. Simplement, ils n’ont pas scoré.

Que redoutes-tu de l’ASUB ?
Dendermonde manque d’expérience en finale contrairement à l’ASUB. En finale, l’année dernière, cela s’est vu avec 9 en-avants en première mi-temps et cette année, on a ressenti encore ce stress dans le jeu car ils n’ont tout simplement, dans le jeu, pas osé, pas déplacé. Un jeu trop court pour affronter Soignies. On sent les joueurs plus libérés depuis la victoire en coupe. Pas en confiance mais libérés car ils ont obtenu déjà un titre.

Tu n’as pas répondu à ma question ?
L’ASUB enchaîne bien au raz. Ils ont un jeu à une passe très sécuritaire qui leur permet d’enchaîner de nombreux temps de jeu donc si on ne les perturbe pas à ce niveau, si on ne colle pas au ballon, cela va être compliqué mais on a un plan que je ne vais pas te dévoiler maintenant et on saura après s’il est bon. On les a joué trois fois cette saison et notre plan a toujours fonctionné.

Vous êtes-vous franchement opposés cette saison ?
On n’est pas tombé au même moment mais il y a eu un sommet au premier match même si le score ne reflète pas. C’est très serré à la mi-temps, je crois qu’on mène de trois points et on marque trois essais dans les dix dernières minutes. A côté de cela, le combat autour des 40 de chaque équipe a été très relevé.

Pour finir, c’est quoi le scénario idéal samedi ?
Si les joueurs se libèrent de la pression de cette image de la finale, lâchent prise et qu’ils appliquent ce qu’ils ont fait contre Frameries, même si l’ASUB est supérieur, on a une grosse chance.