Dendermonde, futur champion ?
En fait le but "officiel" du club pour la saison 2014-2015 est de jouer trois finales : Championnat Hommes et Femmes, plus la Coupe pour les Hommes. Je ne vais pas cacher que nous serions encore plus satisfaits si on en gagne au moins une, mais voilà… Nous savons qu’il y a d’autres clubs avec les mêmes ambitions et je pense donc que cela devient intéressant.

Qu’est-ce-qui a changé par rapport à la saison passée ?
Nous avons mieux entouré les joueurs, et nous laissons beaucoup plus d’occasions aux jeunes espoirs de se montrer en 1ière division. Nous sommes aussi beaucoup plus sérieux qu’avant concernant le retour des joueurs après blessure. Ils ne jouent plus avant que leurs blessures soient totalement guéries. J’aperçois aussi de nouveau cette envie de gagner quelque chose. Ce qui me plaît, peut-être encore plus, ce sont les bons résultats de nos U16 et U19 qui vont sans doute opérer en 1ière division l’année prochaine. Pour moi, personnellement, ce n’est pas du tout obligatoire, mais je pense qu’ils l’ont mérité, avec leurs entraîneurs qui font un boulot extraordinaire.


(Photo Sportkipik.be)

Puisqu’on parle de la saison passée, j’aimerais revenir sur le changement d’entraîneur dont l’éviction avait fait jaser. (Lire l’Interview du jeudi avec Hughes Dispa qui racontait avoir appris son limogeage par email) Est-ce-que tu confirmes les faits ?
Oui, c’est vrai et c’est honteux. Cela ne se fait pas. Personnellement, je regrette fortement, ce n’est pas ma façon de faire et ce n’est pas dans la culture de mon club. Il n’y a personne en Belgique à qui nous devons encore un sous. Nous avons toujours fait et offert ce qu’on a promis.

L’entente était-elle bonne avec le duo d’entraîneurs Gert Van Looy et Hughes Dispas ?
Oui, d’ailleurs Hughes vient nous voir jouer parfois, comme il donne encore des conseils à des entraîneurs du club sur Facebook. Mais, j’admets que cela n’a pas fait du bien à notre image. Ensuite, je ne dis pas que la décision était une mauvaise décision mais il fallait être adulte. Est-ce-que tout le monde a toujours été correct avec le Conseil d’Administration de notre club ? Peut-être que, dans ce cas-ci, cela n’a pas toujours été le cas. Le résultat ? Certaines personnes ont considéré qu’ils avaient le droit de communiquer vis-à-vis d’Hughes et Gert de la même façon qu’ils avaient été eux-mêmes traités. Mais je maintiens que c’était une erreur.

Qu’aurait-il fallu faire ? Ce genre d’événements survient inévitablement dans la vie d’un club ?
Si tu n’es pas d’accord avec la communication, il faut en parler et tu échanges dans la culture de ton club et tu ne te mets pas au niveau des autres.

Sans compter le caractère des individus …
Oui, c’est vrai. Tout le monde connaît le caractère d’Alain Buyens (NDLR : Président du Dendermondse Rugby Club) qui donne sa vie au rugby et qui est le seul, actuellement, à accepter de prendre la responsabilité du club et je l’en remercie. Toutefois, il a un caractère très spécifique et, ce n’est pas un secret, la communication aussi bien en interne qu’en externe est un de ses défauts. Pour le reste, rien que de la gratitude pour la qualité de son travail et pour son esprit entrepreneur. De son côté, Hughes a lui aussi ses qualités comme ses défauts.

On commence à identifier les candidats à la montée en division 1 (ROC, BUC ou Coq Mosan) mais de nouveau, après Liège en 2013 et La Hulpe en 2014, une chose semble quasi certaine, ce ne sera pas un club flamand. Comment l’expliques-tu ?
Il serait très présomptueux de prétendre que je connais assez bien les autres clubs de ma région pour répondre à cette question. Mais il y a deux choses que je sais. Tout d’abord, la première division a, ces dernières années, en collaboration avec les succès des Diables Noirs, connu sa propre évolution, à un rythme qui était fortement supérieur à celui des autres divisions. Pour moi, ce n’est pas du tout une surprise que les trois candidats pour la montée soient des clubs ayant déjà opéré dans cette atmosphère spécifique et récente de la D1. Excepté La Hulpe et ces trois cités, je ne vois même pas qui serait capable de nous rejoindre. Il y a évidemment aussi le fait que cela a pris beaucoup trop de temps et que de nombreux joueurs de Louvain et Anvers ont quitté leur club d’origine pour pouvoir jouer au plus haut niveau et obtenir une chance d’être sélectionné pour jouer avec les équipes nationales.

Le niveau de jeu est notable entre la 1ère et 2ème division. Combien de temps cela prendra ?
Honnêtement ? Sans fusions je ne vois vraiment pas comment. Mais la politique de la VRB est plutôt une politique de dé-fusion, et je comprends leurs motifs, puisque le BLOSO exige un plus grand nombre de clubs pour qu’ils donnent encore du soutien. Mais sans une base financière solide, et sans une fusion de forces (Antwerp-Schilde, Gent-Oudenaarde) je ne vois pas comment un club flamand pourrait jouer en 1ère division.


(Photo D.R.)

Est-ce que la montée d’un voire plusieurs club flamands en division 1 serait une bonne nouvelle pour Dendermonde, qui demeure une exception dans le paysage belge national depuis plusieurs saisons ?
Nous accueillerons à bras ouverts d’autres clubs flamands.

Vous sentez vous seul ?
Non mais c’est fort embêtant.

Pourquoi ?
J’entends souvent, aussi bien des membres du club que de l’extérieur, la critique du manque de convivialité après le match. C’est vrai. Les joueurs ne se comprennent pas. Il y a cette barrière linguistique et culturelle. Je ne suis pas nationaliste, au contraire internationaliste mais, on le constate, quand on accueille des matchs de division régionale, l’ambiance est fort différente en 3ième mi-temps. De plus, il n’y a plus cette coupe flamande qui comme avant, permettait de se confronter et se montrer aux autres Flamands.

Mais de par son statut, Dendermonde accueille de nombreux passionnés et spectateurs.
Des spectateurs mais aussi des joueurs qui réalisent que le niveau est énorme entre la division 1 et la division 2.

Il faut reconnaître que ces clubs flamands, l’Antwerp, Leuven, Oudenaarde, Schilde, pour ne citer que les pensionnaires de Division 2, n’ont pas non plus les mêmes moyens que Dendermonde. En effet, beaucoup en Flandre mais aussi en Belgique vous reprochent de jouer avec de nombreux étrangers. Est-ce une réalité ?
On utiliserait beaucoup de mercenaires, dit-on, alors que la spécificité des joueurs que nous accueillons à Dendermonde, c’est qu’ils viennent d’autres pays que les autres clubs de 1ère division !

Effectivement, ailleurs ces étrangers sont à plus de 80% français et bien souvent étudiants. Peux-tu nous expliquer votre politique de recrutement ?
Tout a commencé par des relations avec l’Afrique du Sud du temps encore de l’Apartheid (NDLR : pour rappel, l’Apartheid a duré en Afrique du Sud de 1948 à 1991). Je me suis personnellement engagé contre ce régime et, dès la fin du boycott, je suis parti sur place, à l’Université de Pretoria et dans un club aujourd’hui disparu, Goudstad.

Quel type de relation s’est installé ?
Des entraîneurs sud-africains venaient gratuitement durant leurs vacances nous aider. Puis, il y a eu des demandes de leurs parts : de bons jeunes de leur club souhaitaient venir et on nous demandait de les accueillir.

Il n’y a pas que des joueurs d’Afrique du Sud à Dendermonde, quels chemins les mènent jusqu’à Dendermonde ?
Dès le début du club, nous avons aussi entretenu de très bonnes relations avec le collège européen de Bruges, terra incognita pour les autres clubs. Chaque année, nous allions mettre des affiches et parler avec les gens. Nous avions donc des Irlandais, Anglais, Français, Portugais, Italiens… Bref, dès le début, nous avions l’habitude de jouer avec des étrangers. J’ajoute que je voyage beaucoup, je participe à toutes les Coupes du Monde de rugby, je rencontre des gens. Les contacts, cela se provoque !

Je connais un peu les milieux européens. Il y a peu d’étudiants australiens et néo-zélandais à Bruges. Comment se retrouvent-ils à porter votre maillot ?
Les Australiens comme les Néo-Zélandais veulent voyager en Europe mais ils n’en n’ont pas les moyens. Quand l’un se montre intéressé, nous interrogeons une agence sur place ou d’anciens joueurs passés par notre club, pour déterminer en tout premier lieu s’ils ne sont pas trop bons pour nous et pour le championnat belge !


Kris aux côtés de Gert Van den Steen, membre du CA de Dendermonde. (Photo Sportkipik.be)

C’est une blague ?
Non, car tu risques de les voir partir trop rapidement !

Depuis combien de temps faites-vous appel à ces agences ?
Depuis déjà cinq ans et c’est bien utile pour les assurances et certaines formalités.

Dendermonde a la réputation d’être un club riche grâce à son tournoi, le Flanders Open Rugby. Le raccourci est vite fait : l’argent sert à acheter des joueurs. Confirmes-tu ?
Avant toute chose, nous sommes soucieux que les équipes séniors hommes et femmes s’investissent, aussi nous proposons aux joueurs qui suivent 75% des entraînements sur un an de leurs rembourser leur cotisation intégralement.

Admettons qu’un joueur s’investisse et soit proche des 100%, offrez-vous une prime ?
Effectivement, pour les 25% restant, nous faisons un prorata de 100 euros. Un joueur à 100 % de présence pourrait donc se faire 100 euros de bénéfice en échange de sa participation à tous les entraînements !

Quand avez-vous lancé ce programme ?
Il y a trois ans.

Quel bilan en tirez-vous ?
La participation aux entraînements a augmenté. La participation avoisine désormais les 75 %.

Confirmes-tu aussi que vous reversez des primes pour les sélectionnés nationaux ?
Oui, à partir de deux sélections dans l’année, sur la feuille de match, un joueur de Dendermonde retenu chez les Diables Noirs touchera à la fin de la saison 2000 euros, un Diable Gris, 1000 euros et une Lionne, 1000 euros.

J’imagine que tu es sensible à la question de l’égalité des genres. A Dendermonde, qui plus est, vous avez bâti une solide réputation grâce à vos « Gazelles », multiples championnes de Belgique. Dés lors, pourquoi vos joueuses ne bénéficient-elles pas du même traitement que leur alter ego masculins ?
C’est une bonne question et je te confirme que je suis très sensible à cette question. En fait, nos critères s’établissent sur deux points. On considère tout d’abord que c’est plus difficile d’être sélectionné chez les Diables Noirs que pour l’équipe nationale féminine. Pour les premiers, il faut être sélectionné parmi 5000 joueurs ; pour les secondes, parmi 500 joueuses. Et puis, il y a une raison opportuniste. A un moment donné, nous aurions pris le risque que les 22 filles alignées sur une feuille de match de l’équipe nationale soient 22 joueuses de Dendermonde.

Cela reste contestable mais pour aller au bout du raisonnement, quelle a été la logique de calcul de cette prime ?
Sous pression au sein du club, nous avons redescendu la somme attribuée aux sélectionnés appelés chez les Diables Gris de 1500 à 1000 et remonté celles des filles. Personnellement, je suis un des deux administrateurs qui a toujours voulu promouvoir des droits égaux, que l’on applique pour tout dans le club sauf pour cette rare exception.

Revenons à ces joueurs étrangers. Que leur proposez-vous pour les attirer à Dendermonde ?
Nous leur offrons la gratuité du logement – nous louons une très belle maison aménagée pour accueillir entre 8 et 10 personnes - et nous nous engageons à leur trouver du boulot. Pour les semaines où nous n’y parvenons pas, nous leurs donnons 100 euros. S’ajoute la possibilité pour eux d’entraîner s’ils le souhaitent des équipes de jeunes du club, et d’être rémunérés à l’instar des autres coachs, c’est-à-dire entre 10 et 20 euros par entraînement.

J’entends par ta dernière réponse que tous les entraîneurs à Dendermonde, quel que soit le niveau, sont payés ?
Oui tous les entraîneurs sont défrayés, sauf ceux qui ne le souhaitent pas. Il y en a 50 actuellement et ils sont rémunérés selon le statut de bénévole.

Aucun joueur étranger de Dendermonde ne reçoit de l’argent cash ?
Non, sauf si on estime, dans la saison, que ce joueur aurait pu être un Diable Noir selon ses qualités, en étant belge. Alors, le comité se réunit et si tout le monde est d’accord, on lui verse 2000 euros.


(Photo D.R.)

Et combien de joueurs étrangers composent le groupe actuellement ?
Cela dépend qui tu considères comme étranger. Savenaca Vocea, par exemple, habite en Belgique depuis cinq ans. Nick Cording, c’est vrai, est venu chez nous il y a trois ans pour jouer une saison puis il est parti aux Pays-Bas. Désormais, il est marié avec la fille de notre entraîneur junior. Un autre Australien est marié depuis 4 ans avec une de nos Gazelles. Pour moi, ces trois-là ne sont plus des étrangers.

Combien sont arrivés cette saison et comment ?
Un de nos sponsors, qui a les moyens, organise une équipe de joueurs venus d’un peu partout pour notre tournoi en prenant en main tous les frais. Nous observons ces joueurs durant le tournoi. De cette équipe, il y en a quatre qui ont voulu rester sur le dernier tournoi. S’ajoute un joueur roumain qui vivait déjà en Belgique mais qui n’avait encore jamais joué dans notre pays et des Australiens venus faire des tests qui sont restés. Il faut bien comprendre que nous ne pouvons profiter d’étudiants, compte tenu de notre emplacement géographique. Il n’y a pas d’université à Dendermonde et il y a des équipes de rugby à Bruxelles, Bruges, Gand, Hasselt, Liège et Anvers.

Si je résume, compte tenu de votre emplacement loin des grands centres universitaires flamands, vous avez la conviction que Dendermonde restera en première division en cultivant ce modèle ?
Nous avons espoir de faire de moins en moins appel à des joueurs extérieurs, notamment grâce à nos jeunes qui ont été, par exemple, champions cadets Division 2 et qui ont de fortes chances cette saison de gagner le championnat junior de Division 2. Il y en a même un qui a été recruté par le Racing-Métro. Mais, en même temps, je trouve que les clubs flamands comettent l’erreur fondamentale de ne pas nous envoyer leurs joueurs étrangers et de les laisser jouer en régionales.

Tu souhaiterais un échange ?
Je vois dans chaque club flamand des joueurs qui pourraient jouer en Première division. Pendant 15 ans, j’ai essayé et il n’y a qu’un club qui a joué le jeu avec un Néo-Zélandais (Hamme), et Oudenaarde qui nous avait envoyé cinq de ses meilleurs joueurs. Deux sont encore chez nous, les autres sont rentrés.

Mais recruter au niveau local est important pour vous ?
Certainement et c’est pourquoi nous mettons en place un Centre de détection et de développement de talents en nous inspirant du Kituro, avec par exemple, l’engagement à mi-temps d’un médecin. Avec une telle structure, on espère enfin convaincre les autres clubs, surtout en Flandre orientale, de travailler avec nous.

Il existe déjà un Centre national installé à Liège. Pourquoi venir le concurrencer ?
Un joueur flamand qui souhaite y aller doit être licencié dans un club de la Ligue francophone.

Où sera installé ce nouveau Centre de détection et de développement ?
Au rez-de-chaussée de notre futur club house. Il comprendra des salles d’enseignement rugby, des salles de réunion, des salles de fitness, une cellule médicale et un musée de l’histoire du rugby flamand.

Quel est le budget de cette nouvelle infrastructure ?
Un million d’euros même si nous étions partis plus bas à 680 000 euros, n’ayant pas la garantie, au départ, de bénéficier de subsides.

Comment êtes-vous parvenus à ce résultat ?
Cela a été publié. Nous avons reçu 360.000 euros d’aide de la Communauté flamande, 94.000 euros de la Province puis un fond d’infrastructure de la ville qui nous permettra de bénéficier de 24.000 euros pour 2015. On prévoit aussi de louer sur 20 ans un bar, en bas, au club d’athlétisme qui a accepté de nous payer d’avance cette location estimée à 80.000 euros. Mais la plus grande aide, pour ne pas bouleverser la gestion normale du club, nous est venue de la ville de Dendermonde. Ils ont voté une législation qui nous permet de bénéficier d’une garantie pour l’emprunt de 500.000 euros.

(Rendez-vous le 12 mars pour la suite de cette Interview du Jeudi)