Claude Orban. (Photo Sportkipik.be) |
En dépit d’un bilan plus que flatteur, vous avez démissionné en fin de saison passée de votre poste de Président. Quelles sont les raisons qui vous ont poussé à prendre cette décision ?
Ce sont des raisons internes au club, des problèmes de personnes... J’ai estimé à un moment que je passais plus de temps à gérer les susceptibilités des uns et des autres plutôt qu’à travailler sur des projets concrets.
Quel bilan tirez-vous de votre mandat de président du Kituro ?
Positif, ne serait-ce qu’au niveau des résultats mais également de la croissance du club et les adaptations inhérentes en terme de management, de mise en place de l’école et de gestion des infrastructures.
Votre plus grande fierté ?
Avoir su garder l’esprit rugby, l’esprit de bénévolat même si cela devient de plus en plus dur…
Quel part vous attribuez-vous dans la remontée de l’équipe en Première division ?
Les joueurs étaient là, issus de l’école de rugby, il fallait juste un petit déclic. On est remonté, ça s’est fait tout juste, contre le BUC puis ça s’est enchaîné vite. Je suis arrivé à faire venir Alain Limbos comme entraîneur qui a apporté sa vision, sa passion, son envie et les joueurs ont accroché très fort au point de devenir champion dés leur retour en 1ère division.
Quel est le secret d’Alain Limbos ?
C’est sa passion, son envie d’apprendre, d’être présent sur le terrain, ce qui fait qu’en même temps, au bout d’un temps, on commence à se lasser d’entendre les mêmes choses et on le trouve fatiguant.
C’est parce qu’il en devient fatiguant à la longue que vous vous êtes séparés de lui ?
Les joueurs voulaient autre chose. Une lassitude s’était installée au niveau de l’équipe senior.
Avec recul, comme expliquez-vous qu’un club promu en première division remporte le titre dés son arrivée à ce niveau ?
Le potentiel des joueurs était là. Il fallait l’augmenter individuellement et collectivement, ce qu’Alain Limbos a très bien fait. Les joueurs avaient aussi une grosse envie. Nous végétions depuis quatre, cinq ans en deuxième division.
Alain Limbos. (Photo Sportkipik.be) |
En effet, beaucoup d’observateurs s’interrogeaient sur les capacités de cette équipe à buter en fin de saison
C’est certain qu’il y avait de l’impatience. Nous avions manqué la montée deux, trois ans plus tôt alors que nous n’aurions jamais dû. Nous avions terminé le championnat invaincu mais en demi-finale, nous avions perdu. Un vrai traumatisme pour le club. (NDLR : la précédente formule de championnat de deuxième division ne comprenait pas de montée directe mais des phases finales entre les quatre premières équipes à l’issue de la phase régulière du championnat)
Le club est redevenu champion en 2011, confirmant deux ans plus tard que le premier titre n’avait pas été obtenu par surprise. Depuis, par contre, vous n’avez plus gagné. Y-a-t-il une usure du groupe ?
Le groupe reste encore relativement jeune mais les autres équipes ont réagi. Il y a eu aussi, à un moment, une baisse de régime du côté de Boitsfort. Néanmoins, nous avons rejoué la finale en 2012 contre Dendermonde et tous ses expatriés !
Le championnat est-il meilleur qu’avant ?
Il a évolué mais il reste à deux vitesses. Il y a quatre clubs qui sont devant – plus Soignies qui semble revenir.
Où se situe le fossé ?
Les clubs de tête sont plus avancés en terme de structure et de leur école de jeunes.
Considérez-vous que la formule du championnat devrait être révisée ?
Ma position n’était pas très bien perçue au sein du club mais je crois qu’il faut développer la formule de la North Sea Cup mais en la révisant car telle qu’elle est là, ce n’est pas bien. Une chose est sûre, il faut aller voir à l’extérieur.
Ces clubs de seconde partie de classement peuvent-ils rattraper leur retard ?
Oui, peut-être, à condition de développer une école de jeunes.
Pourriez-vous décrire pour nous cette nouvelle formule ?
Elle ressemblerait à une superdivision avec les Hollandais, les Allemands. Une sorte de championnat du Benelux.
En terme d’organisation, vue de l’extérieur, on a du mal à cerner les interlocuteurs allemands et hollandais des clubs belges. Confirmez-vous cette impression ?
Effectivement, c’est pour cela que dans cette nouvelle formule, il faudrait un véritable comité organisateur avec des règles bien définies au départ, un vrai championnat et non des poules...
Êtes-vous assisté par la Fédération dans votre démarche ?
Non pas du tout.
Cela vous surprend ?
(Mécontent) Non. Le fait que tous les clubs aient le même nombre de voix, qu’elle que soit la taille du club, entraîne d’énormes blocages.
Pierre Amilhat, dans une précédente Interview du Jeudi suggérait aux clubs de se prendre en main comme on le voit en France avec la Ligue nationale de rugby. Partagez-vous cette réflexion ?
Cela peut-être envisagé.
Avec quels clubs ?
L’ASUB et Boitsfort recherchent ce genre de compétition. Les Présidents sont prêts à un nouveau championnat mais il y a des résistances au sein même des clubs, de personnes comme au Kituro, qui disent « on n’a pas besoin de cela… On est bien comme cela », une sorte de repli sur soi, d’esprit de clochers.
Diriez-vous que nous sommes dans une période de transition ?
Oui, entre le rugby de papa et le rugby qui se professionnalise de plus en plus et le passage n’est pas facile car cela veut dire, par exemple, argent.
Mais ce bénévolat vous tient à cœur disiez-vous plus tôt ?
Oui mais c’est de plus en plus difficile.
Le Kituro champion en 2011. (Photo Sportkipik.be) |
Quelle est la politique à ce sujet au Kituro ? Vous payez les entraîneurs ? Certains joueurs ?
Si on doit payer quelqu’un, les joueurs seront les derniers ! Si on doit, ce sera les éducateurs, les entraîneurs compte-tenu à la fois de leur engagement et parce ce qu’on leur demande de se former, ce qui ne s’exigeait pas avant. Parallèlement, nous allons sans doute arriver à professionnaliser des gens qui vont gérer le club au niveau sportif et administratif.
Les joueurs réclament-ils de l’argent ?
(il sourit) Cela arrive quelques fois. Je peux comprendre, on leur demande de plus en plus en terme d’entraînements. On peut imaginer un jour de défrayer mais ce n’est pas évident.
Avez-vous connu le cas de joueurs qui vous ont fait du chantage ?
Non, je n’ai jamais eu le cas. Mais de toute façon, si un joueur m’avait dit « je reste à condition que vous me défrayez sinon je m’en vais », je lui aurai dit de s’en aller. Je n’aurais pas marchandé ! Ou bien, on le fait pour tout le monde, ou bien pour personne.
Vous voulez dire que le Kituro ne défraye aucun joueur même pas un kilométrage élevé récurrent pour se rendre à l’entraînement ?
Non. Mais, on réfléchit à rembourser la cotisation d’un joueur qui participerait par exemple à 80% des entraînements durant toute la saison. Il y a aussi des joueurs qui s’engagent au sein du club, ceux-là on leur rembourse la cotisation mais cela se limite à cela.
Tous les joueurs paient la cotisation ?
Oui.
A combien s’élève la cotisation annuelle ?
Je crois que nous sommes montés à 200 euros pour les seniors.
Dernière question sur le sujet mais j’aurais pu commencer par celle-là. Où trouve-t-on l’argent aujourd’hui ?
Il faut continuer à travailler sur la promotion, l’image de marque. Nous recevons le maximum de l’ADEPS que du BLOSO par rapport à d’autres disciplines sportives.
Mais vous n’êtes pas frustrés de voir des clubs de bas niveau en football parvenir à générer plus d’argent qu’un club d’élite en rugby comme le vôtre ?
C’est une question de culture. Le football est plus central dans les communes bien que je ne peux pas me plaindre, vu que nous avons reçu deux terrains synthétiques.
Claude Orban. (Photo Sportkipik.be) |
Effectivement, vous avez été gâtés. Pouvez-vous déjà mesurer l’impact de ces nouvelles infrastructures ?
(Il hésite) Les gens viennent plus facilement mettre leurs enfants chez nous. Il y a une augmentation des jeunes à l’école de rugby au point que nous avons dû clôturer les inscriptions par manque d’espace et d’éducateurs.
C’est également la raison pour laquelle vous avez fusionné avec la British School of Brussels (BSB) en U19 ?
Non, l’entraîneur n’avait pas assez de joueurs.
Mais avez-vous déjà envisagé de vous appuyer sur des clubs partenaires comme le font désormais de plus en plus les clubs professionnels ?
Jamais de manière concrète. On recommande bien d’autres clubs quand nos effectifs sont complets mais très souvent, les parents préfèrent rester en liste d’attente chez nous ! A un moment, nous avons eu un partenariat avec le Kibubu quand ils ont lancé leurs équipes de jeunes mais c’est désormais terminé. Reste que cela ne demeure pas bien perçu.
En termes d’esprit de clocher, le rugby des années 1990-2000 se limitait à une confrontation finale entre Boitsfort et l’ASUB. Avec Dendermonde, vous avez mis votre poil à gratter. Comment jugez-vous le classico qu’ils ont crée depuis ?
Ce classico n’a plus vraiment de raison d’être. C’est plus du floklore aujourd’hui. C’est quand même mieux que le championnat ne se limite plus à deux équipes.
Mais est-ce que le Kituro a un grand rival ?
Au niveau des jeunes, c’est Boitsfort. Même au niveau des entraîneurs ! Quand ils battent Boitsfort dans un tournoi, c’est la fête !
C’est moins le cas contre Boitsfort en senior ?
Il y a moins de rivalité.
Quelle a été votre action au niveau des équipes jeunes durant votre mandat de président ?
Nous avons beaucoup insisté sur la formation pour qu’au moins le responsable de chaque catégorie suive les formations de la Fédération. Nous avons également un ancien Directeur technique du club de La Rochelle – Vincent Favreau – qui vient presque une fois par mois chez nous.
Kituro, c’est le club de formation de Vincent Debaty. Gardez-vous le contact avec lui ?
Il a désormais sa famille en France donc c’est plus difficile mais nous entretenons des relations régulières avec lui directement ou via Vincent Favreau qui l’a entraîné à La Rochelle. C’est toujours une fierté pour le club et cela fait très plaisir de l’accueillir.
Est-ce-que vous encouragez vos joueurs les plus prometteurs à suivre l’exemple de Vincent Debaty ?
(il hésite longuement) Oui, mais en même temps, c’est difficile car j’ai tellement vu de joueurs revenir la queue entre les jambes. Des bons joueurs, en Belgique, nous en avons dix. En France, ils en ont 100, 200 ! L’expérience pour ces joueurs peut-être très intéressante mais c’est tellement aléatoire. Je comprends qu’ils aient envie de se confronter à un meilleur niveau et c’est une fierté pour un club d’avoir formé des joueurs comme Julien Berger.
Visiblement, vous êtes partagé ?
C’est peut-être utopique mais j’aimerais être en mesure de leur proposer un projet qui leur donne envie de rester en Belgique.
Comment ?
En faisant par exemple, ce championnat du Benelux !