Vice-Présidente de la LBFR, Manager de l’équipe universitaire belge à 7, Secrétaire honoraire du club de La Hulpe, Présidente de la commission médicale LBFR, Manager de l’équipe nationale féminine à 15, est-ce-que cela ne fait pas un peu beaucoup ?
Non, parce que j’ai su aménager mes postes pour n’aller qu’à l’essentiel. Je délègue beaucoup.


(Photo Sportkipik.be)

Mais, trouves-tu normal qu’une personne cumule autant de postes ?
Non mais il n’y a personne qui se propose en Belgique. De plus, au niveau féminin, il n’y a pas quelqu’un qui essaie de fédérer. Je suis la seule femme à m’être porter candidate à la Fédération.

Comment se fait-il qu’il n’y ait pas plus de femmes qui s’engagent ?
Au niveau de l’équipe à 15, nous avons été remis au sein de la fédération et depuis c’est compliqué. D’un budget de 15 000 euros il y a quelques années, nous bénéficions aujourd’hui d’un budget de 5 000 euros.

Pour quelles raisons ?
Certaines personnes ne voient que par l’équipe masculine et comme il y a peu de moyens en général...

Ces personnes que tu ne souhaites pas désigner, où siègent-elles ?
A la fédération. Mais elles ne sont pas contre l’équipe féminine. Ils considèrent simplement qu’il faut mettre actuellement nos forces sur les Diables Noirs qui viennent de monter de division. Donc tout l’argent va chez les hommes

C’est un choix politique ?
Oui, c’est un choix de certains.

C’est une position assumée par le Président de la FBRB, Jan Coupé ?
Ce n’est pas son choix mais il est bien obligé de faire avec la réalité budgétaire.

Revenons au terrain sportif. Comment se porte le rugby féminin belge en général ?
Heureusement que nous avons des bénévoles dans ce pays, qui continue, sans moyen, à faire évoluer le rugby féminin.

A quoi ressemblait le rugby que tu as connu en tant que joueuse ?
Le niveau était bon car j’ai eu la chane de jouer dans un club avec de bons entraîneurs. Les trois-quarts des autres clubs féminins ont été coachés pendant des années par le gars qui tenait la buvette ou qui était le pilier de comptoir !

Comment l’expliques-tu ?
Ce n’est pas valorisant de s’occuper d’une équipe de filles

Pourquoi ?
Parce que pour beaucoup se demandent encore pourquoi les filles souhaitent se taper dessus et se rouler dans la boue.

Entends-tu souvent ce genre de propos ?
Oui, dans certains clubs.

Qui les tient ?
Certains dirigeants.

Rassure-moi, les mentalités évoluent un peu ?
L’arrivée des équipes féminines a beaucoup apporté aux clubs. Une fois l’intégration passée, ils constatent que cela leur apporte un plus.

Quel genre de plus ?
Une chouette ambiance. Les filles aiment faire les choses bien faites et s‘engagent dans la vie du club.


Monique Petitjean sous le maillot de La Hulpe, en 2003. (Archive Sportkipik.be)

Et aujourd’hui, que penses-tu du niveau de jeu ?
Le niveau avait très fort baissé il y a cinq-six ans à l’exception des trois meilleures équipes, bien encadrées, qui ont continué à évoluer. Parallèlement, de nouvelles équipes sont nées, une seconde division également mais il a fallu réguler pour que la compétition soit la plus intéressante possible compte tenu des disparités de niveaux.

Quels problèmes se répètent encore ?
Une carrière chez les filles est plus courte, tu es vite enceinte.

Ce n’est pas une raison pour arrêter, n’est-ce-pas ?
Oui, personnellement, j’ai accouché de quatre enfants pendant ma carrière sportive (NDLR : elle a joué de 17 à 43 ans), mais il en a fallu de la motivation et un solide entourage familial pour à chaque fois reprendre.

Malgré tout, aujourd’hui, l’âge moyen des mères lors de leur premier accouchement est en recul (NDLR : 30 ans) ?
Oui …mais l’autre problème est que peu de filles sortent des écoles de rugby. Ce sont donc des filles qui arrivent au rugby entre 17 et 19 ans. Il faut les former mais à 25-26 ans, elles arrêtent de jouer. Si tu as une génération dorée, cela peut aller très vite mais inversement, l’équipe peut vite dégringoler.

Ce fut ton cas quand tu jouais à La Hulpe ?
Oui, pendant sept ans, nos adversaires pouvaient toujours espérer gagner.

C’est le cas aujourd’hui de Dendermonde qui domine le championnat féminin. Est-ce la seule raison ?
Pas seulement. Elles ont tout d’abord un groupe très large avec des filles qui sortent de leur école de rugby. Ensuite, elles sont parvenues à inscrire une seconde équipe en 3ème division (NDLR : les équipes, à ce niveau, se composent de 10 joueuses et non de 15) ce qui permet aux jeunes d’apprendre. Enfin, le club offre aussi beaucoup de moyens. Les joueuses ne partiront pas. C’est comme l’équipe masculine, elles ont des facilités financières, elles font des activités, des voyages … tous les clubs ne sont pas aussi bien organisés !

La situation est-elle fort différente dans les autres pays européens ?
Les filles en Angleterre sont professionnelles. En France, ils ont aussi du mal même en première division pour attirer des filles. Nous en sommes loin.

Que faire pour garder les filles plus longtemps au rugby ?
On n’avait pensé un moment organiser une tournante le vendredi pour faire crèche.

Et alors ?
C’est intéressant, cela peut marcher. Mais quel club en Belgique a plusieurs locaux à part son club house humide où on fait la bringue pour improviser une crèche ? Finalement, tu demandes à ton mari et si lui aussi s’entraîne, tu prends une baby-sitter et au lieu du cinéma, c’est ta sortie de la semaine !

Et simplement installer des aires de jeux autour des terrains ?
Les normes sont tellement strictes qu’il est préférable de ne pas s’y hasarder sous peine d’être responsable en cas d’accident.

Pas facile de pratiquer quand on est maman ?
Si les deux dans le couple n’ont pas la même passion, je crois que comme dans tous les sports, c’est difficile de confirmer.

Pour les hommes aussi ?
C’est rare de voir un homme être le premier à vouloir garder les enfants.


As-tu l’espoir que cela va changer ?

Je travaille beaucoup avec des Nordiques (NDLR : elle travaille à l’Ecole européenne) : c’est totalement différent. Ils ont plus de droits parentaux.

As-tu confronté ton expérience de sportive à la leur ?
Oui et ça marche pour eux car il y a un partage total des tâches à la maison. Avoir la femme qui travaille et l’homme au foyer, c’est quelque chose de normal.

Aujourd’hui, dirais-tu que le rugby reste un sport masculin ?
Non, c’est un sport de combat, ouvert aux femmes comme aux hommes, comme la danse classique ! Mais il faut aussi étudier comment le rugby peut être adapté à la condition féminine. Le judo féminin est différent du judo masculin. De même pour le basket.


(Photo Sportkipik.be)

Et sur le terrain, comment se traduit ce discours ?
Si tu fais jouer les filles à l’ancienne, en faisant pousser les filles en cocotte, c’est que tu n’as rien compris ! Avec les filles, on travaille déjà sur l’évitement, cela rend le jeu immédiatement plus intéressant.

La sélection nationale peut-elle jouer le rôle de moteur du rugby féminin comme pour les Diables Noirs ?
Non car nous avons peu de moyens. A titre d’exemple, alors qu’il existe un championnat d’Europe féminin à 7, nous n’avons aucune compétition depuis quatre ans, la compétition était réservée uniquement au Top 10.

Vous jouez donc des matchs amicaux depuis quatre ans ?
Oui mais il y a plusieurs équipes dans notre situation contre qui nous jouons des matchs officiels IRB – ce qui est important pour le classement – à l’exemple du dernier match qui nous a opposé à la Suisse.

Quand se termine cette phase de non-compétition officielle ?
Cette année sous la forme d’un championnat des quatre nations. Nous affronterons les équipes du bas du Top 10 Europe. Il y aura ensuite un barrage et au final deux équipes qui monteront et deux qui descenderont.

On peut espérer voir la Belgique participer au championnat d’Europe de rugby l’année prochaine ?
Non car c’est bien fini les grandes messes. Toutes les fédérations ont eu les mêmes problèmes financiers. Il a fallu scinder les budgets pour développer le rugby à 7.

Quelles sont les conséquences directes ?
Il n’y a plus assez de pays qui ont les moyens d’envoyer leur équipe à 15 pour un championnat d’Europe. Conséquence, il y a des pays qui ont soit tout simplement supprimé leur équipe à 15, comme l’Allemagne, ou alors ils ont beaucoup donné au rugby à 7 et laissé vivoter le 15.

Le rugby à 15 est victime du rugby à 7, sport devenu olympique ?
La FIRA et l’IRB ont imposé que toutes les fédérations aient une équipe de rugby à 7 au niveau national, mais c’est comme les hommes avec leur montée, les budgets n’ont pas été anticipés. Les dépenses sont énormes. Paradoxalement, je n’ai rien contre le 7 au contraire, il a beaucoup apporté au 15 en terme de performance de notre ligne arrière.

L’équipe belge féminine est-elle composée comme son alter ego masculin de joueurs évoluant en dehors du championnat belge ?
Oui, plusieurs filles jouent en première division en France, en Angleterre, une de nos filles est même professionnelle en Australie. Malheureusement, nous n’avons pas les moyens des hommes de les faire revenir pour s’entraîner et jouer avec leur équipe nationale.

Quel serait le niveau de l’équipe si toutes ces joueurs étaient réunies ?
Mais l’équipe est déjà performante.

Que lui manque-t-elle alors ? Va-t-elle monter ?
Oui, si nous conservons le noyau et la motivation.

Motivation ? Terme étonnant quand on parle de jouer pour la sélection nationale…
(elle coupe) Les filles sont fières de porter le maillot de l’équipe nationale mais elles se lassent de ne pas avoir de maillots pour jouer, de ne pas avoir de pharmacie complète, de dormir dans le bus lors de déplacement pour ne pas avoir à payer des nuits d’hôtel, etc… tout cela parce qu’il n’y a pas d’argent.

Vous en êtes à des demandes aussi basiques ?
En septembre 2012, la fédération a signé un contrat avec Kukri qui précise que toutes les équipes nationales doivent jouer avec un jeu de maillots Kukri. Les féminines à 15 n’ont toujours pas reçu leur jeu de maillots. Il n’a même pas encore été commandé ! Mais, on apprend par ailleurs qu’il y a des équipes qui offrent leurs maillots après chaque match et ils en sont déjà à leur quatrième nouvelle commande !

Beaucoup de joueuses ont-elles déjà renoncé face à cette situation ?
Oui, elles sont démotivées et rejoignent souvent le 7 qui leur offrent plus.

J’entends que les Diables Noirs ont aussi très régulièrement des discussions sur le thème financier ?
Ce n’est pas comparable.

Que fait la Fédération ?
Elle a cherché à imposer plus de transparence dans les comptes, à organiser le sportif avec un directeur technique national (NDLR : Francis De Molder). Mais il faut bien savoir, également, que tu ne transmets pas des enveloppes dans les vestiaires comme cela existe dans les petits clubs de foot !