Il y a deux semaines, nous parlions de votre nouveau club house doté d’un budget ambitieux de prés d’un million d’euros. Tu évoquais que vous étiez parti d’un budget de départ de 680.000 euros. Vient-il directement du Tournoi ?
Non, pas vraiment, on a toujours envisagé un emprunt. Le budget dont je parlais était, au début, le coût estimé pour bâtir. Il est vrai que ce Tournoi draîne des sommes majeures, mais tout cela est consacré au fonctionnement du club.


(Photo Sportkipik.be)

Qu’entends-tu par là ?
Les dépenses pour un seul Tournoi sont énormes dont une grande partie uniquement pour le catering et la logistique !

A quoi correspond le reste ?
L’organisation du tournoi, le VIP, les concerts…

Mais tu te rembourses sur les boissons par exemple ?
Non, la nourriture, les boissons,… c’est juste suffisant pour organiser le tournoi et le festival de musique.

Rassure-moi, vous faites des bénéfices ?
Le Tournoi sportif même ne nous rapporte rien. Au contraire, cela nous coûte de l’argent ! Ce qui nous rapporte, c’est l’argent des sponsors.

Tu es très transparent et je t’en remercie. Donc pour clôturer cette partie gros sous, quel est le budget du club de Dendermonde ?
Le chiffre d’affaires (CA) du club est de sept chiffres. Je parle bien ici du chiffre d’affaires, et non du résultat. En fait, les trois dernières années, le résultat net était un peu négatif : plus de dépenses, surtout sur l’achat du matériel sportif, des cars,…. que de gains donc. Mais nous n’avons pas de dettes !

D’où provient la seconde moitié du chiffre d’affaires du club ?
De la buvette, des petits sponsors, de nombreuses autres activités, des cotisations, mais bien évidemment le tournoi est essentiel pour nous.

Il y a donc un public fidèle qui se presse chaque week-end autour des terrains du club ?
Oui et c’est un public très comique.

Comique dans quel sens ?
Il se cible soit le samedi, soit le dimanche.

C’est nouveau pour toi ?
Le samedi a pris une incroyable importance dans la vie du club, c’est presque toujours trois personnes aux cuisines et jusqu’à cinq personnes derrière le bar, uniquement pour le service.

Il y a les matchs mais le club est-il devenu dans la commune un nouveau lieu de vie ?
Effectivement, le tournoi a beaucoup aidé. On est très bien vu, que ce soit au niveau des citoyens que des politiques. Les échevins jouent dans notre équipe de parents, leurs enfants dans les équipes jeunes.

On sent bien à quel point le projet est pensé. Quand on observe ce qu’il se passe au niveau fédéral, tu dois parfois t’interroger ?
Il faut voir les deux côtés : le sportif et l’organisation. Au niveau sportif, on doit se féliciter. En six ans, la qualité des matchs a augmenté en termes de vitesse d’exécution, de technique. Le rugby en première division est devenu très agréable à regarder. La qualité des terrains a changé le style de jeu de certains clubs qui jouaient un rugby plus fermé par le passé. Le Seven démontre également qu’il y a des joueurs de qualité. Les Diables Noirs ont prouvé et je pense que c’est grâce aux clubs et à des fous comme moi, et bien d‘autres qui ont investi leur vie, pour améliorer l’accueil sportif et les infrastructures qui sont déterminantes pour les parents.

Quid de l’organisation au niveau fédéral ?
La fédération de rugby, comme toutes les fédérations en Belgique, souffrent de la régionalisation du sport. L’approche des pouvoirs publics est complétement différente d’une région à l’autre.

Une entente un peu plus intelligente n’est-elle pas possible ?
Non car il n’y a pas d’argent.

Dans la VRB, il n’y pas d’argent ?
Si, mais ils doivent le consacrer au personnel. Ils n’ont pas la possibilité d’intervenir dans les frais des équipes nationales. C’est interdit en Flandre.

L’avenir, c’est une équipe flamande et une équipe Wallone ?
Non, au contraire. Ce qu’il faudrait, comme l’a proposé Patrick Durez (NDLR : administrateur à la fédération), c’est construire un financement indépendant au niveau fédéral. Chaque club y contribuerait par l’intermédiaire d’une cotisation plus lourde.

Honnêtement, cela te paraît envisageable dans le court terme ?
Je comprends que certains clubs aient des craintes, mais je n’écoute plus beaucoup les clubs qui prétendent ne pas avoir d’argent. Je vais dans pas mal de clubs et je vois ceux qui ne veulent pas travailler. A Dendermonde, il y a 70 personnes quasi non-rémunérées qui travaillent de façon quasi journalière pour le rugby depuis plus de trente ans, que ce soit en été, en hiver… et 300 pour le Tournoi donc pas mal de bénévoles occasionnels.

Quelles sont les responsabilités attribuées à ces 70 personnes ?
Dans notre club house, il y a au moins une réunion par jour qui concernent aussi bien les équipes jeunes que seniors.

Vous ne manquez donc pas de bénévoles à Dendermonde !
Nous ne manquons pas de bénévoles, au contraire, nous en avons énormément, mais jamais assez. Par contre, le caractère des bénévoles a changé comme dans chaque organisation, sport compris.

Qu’est-ce-qui a changé ?
Quand j’ai démarré, les bénévoles étaient prêts à prendre le plat du jour. On leur demandait et ils le faisaient, du début à la fin. Désormais, ils veulent plutôt manger à la carte et veulent savoir quand cela commence, quand cela termine et quelles sont leurs responsabilités. Ils veulent aussi savoir leur position au niveau légal, assurance et fiscal, à partir du moment où tu leurs verses une indemnité de bénévole.

Tout le monde ne peut pas reproduire votre modèle économique basé sur le Tournoi.
Effectivement, je suis très content que nous l’ayons fait le premier !


(Photo Sportkipik.be)

Comment les clubs pourraient se financer ?
Il faut trouver une niche au niveau local en examinant ce qui est lucratif. Puis, dés le début, il faut jouer sur la qualité. La qualité, c’est essentielle si tu souhaites attirer des sponsors aujourd’hui afin qu’ils amènent leurs clients. A titre d’exemple, dans le cadre du tournoi, nous en sommes à la cinquième génération de sponsors, c’est-à-dire que les clients de nos premiers sponsors sont eux-mêmes devenus sponsors et ainsi de suite, année après année.

La niche, l’environnement local, la qualité, quoi d’autre ?
Les alliances ! Pour recruter assez de bénévoles pour le Tournoi, dés le début, nous avons passé des ententes avec d’autres organisations dans un proche périmètre.

Pour quelle raison ?
Le Tournoi est devenu tellement grand. On a tellement à faire que, par exemple, nous avons pris la décision de confier et de payer le montage des tentes à trois compagnies de scouts. Ainsi, nous ne sommes plus contraints d’aller à trois endroits à vingt ou vingt-cinq personnes pour rendre le service qu’ils nous ont donnés.

Pourquoi les clubs ne parviennent-ils pas à vous imiter ? Est-ce la mentalité francophone ?
Absolument pas, c’est la mentalité du rugby belge : ne pas parler argent, ne pas être commercial. Personnellement, je ne suis pas de mentalité commerciale, j’ai travaillé toute ma vie pour les socialistes ! Depuis que je suis entré dans le monde du rugby belge, j’ai toujours entendu « Nous on peut pas se permettre de demander la cotisation des autres sports ! » En d’autres mots, beaucoup ne veulent pas faire payer les acteurs qui profitent du rugby à des tarifs normaux. Pourtant, si je prends l’exemple des cotisations de rugby, les parents des jeunes rugbymen envoient bien leurs autres enfants à la danse ou au football pour des cotisations supérieures à celles offertes au rugby. Si nous offrons la qualité nous aussi, pourquoi ne pas s’aligner ? Je dois dire enfin que, dans mon club, toute personne, sans exception, qui réussit à trouver de l’argent pour le développement du club, ne touche une commission. Cela va même au-delà : si elle ou il oublie de demander au préalable un ticket quand il va manger avec un sponsor, la trésorière ne le remboursera pas.

Si j’interprète, d’après toi, dans d’autres clubs certains ont tendance à glisser un peu trop les doigts dans la caisse ?
Il y a des gens dans le rugby – pas dans les clubs car je ne suis pas assez investi dans leurs fonctionnements pour me permettre de tenir de telles accusations - qui prennent des pourcentages sur des activités qui rapportent au rugby et pour lesquels, c’est devenu, à mon avis, une fraction importante de leurs revenus. C’est d’ailleurs pour cela que nous avons été presque mis en-dehors du rugby belge.

Tu veux dire que l’organisation du Tournoi de Dendermonde n’aura plus la responsabilité de l’après-match au Heysel ?
Nous avons introduit un dossier, mais l’opposition est là. Finalement, il y deux semaines nous avons reçu le feu vert. Pas vraiment idéal comme préparation …


(Photo Sportkipik.be)

Il est pourtant avéré que le chiffre d’affaire des deux dernières saisons sur l’événement était bien supérieur aux saisons précédentes avec des bénéfices non négligeables pour Dendermonde mais également pour la fédération. Comment l’expliques-tu ?
C’étaient les gens au pouvoir pendant l’été.

N’aviez-vous pas une exclusivité et un interlocuteur au sein du Conseil d’administration ?
Nous n’avons pas voulu faire la bagarre. Tout ce qui est fait est en accord avec le Conseil d’administration de la fédération. Tout le monde est donc coupable de la même façon.

Tu as été toi-même administrateur et vérificateur au compte durant de nombreuses années à la fédération, tu as donc également validé ces décisions ?
En effet, j’ai été vérificateur au compte durant dix ans (de 2000 à 2009) et, à chaque fois, j’ai expliqué dans mes rapports que nous étions en faillite virtuelle. Actuellement, notre fédération accuse une dette de près d’environ 160.000 euros ! C’est une situation très grave et c’est incroyable que l’activité n’ait jamais été trop touchée. Il faut donc retrouver des années de profit pour pouvoir retourner ce budget.

La crise du mois de juin dernier est-elle liée à cette question financière ?
Les clubs ont effectivement refusé de valider les comptes et les budgets. Les administrateurs néerlandophones ont donc tous démissionné. Sans compter que, au même moment a été introduite une modification du système de vote à l’Assemblée générale, puis une convocation au tribunal… Mon téléphone, je crois, a sonné 400 fois pour aider à débloquer les choses mais je n’ai absolument pas voulu m’y mêler. Dès le moment qu’il y a quelqu’un qui se tourne vers les tribunaux, moi j’arrête.

Aujourd’hui, as-tu plus d’espoir avec le nouveau conseil d’administration ?
Il est peut-être trop tôt pour répondre là-dessus, mais j’ai quand même confiance. L’affaire du match Kituro-Soignies n’aide pas vraiment, mais cela n’est pas la faute du Conseil d’administration. Fonctionner de manière plus commerciale, mais surtout plus conviviale, me semble essentiel. Au Conseil d’administration de la FBRB, les administrateurs ne devraient pas défendre les intérêts des Ligues, mais des joueurs et des clubs. Un peu plus de respect pour les différentes cultures et langues dans ce pays pourrait aussi aider … Et, j’insiste, développer des propres revenus pour pouvoir prendre ses propres décisions. Si les clubs aux Pays-Bas doivent maintenant venir en aide à leur fédération, c’est parce que, là aussi, ils ont permis, pendant des années, que des clubs endettés vis-à-vis de leur fédération continuaient à participer aux championnats. Et qu’ils se sont, là aussi, trop longtemps, opposés à une cotisation correcte pour la fédération, cotisation par joueur, indépendamment de l’âge !

Que recommandes-tu encore ?
A Dendermonde, celui qui veut être rémunéré, n’a qu’à se chercher une autre fonction dans l’organigramme. Il y en aura bien assez …