(Photo Sportkipik.be) |
En parallèle à tes nombreuses compétences au sein de la Ligue, j’ai découvert que tu étais administrateur au Royal Football Club Liégeois Rugby (RFCLR). Peut-on en connaître les raisons ?
Cela m’a été demandé par mes anciens coéquipiers de terrain qui sont maintenant administrateurs au club. Ils souhaitaient un référent sportif.
Dés lors, quel bilan tires-tu de cette première saison en 1ère division ?
L’objectif de se maintenir et faire mieux est rempli.
Cela veut dire quoi « faire mieux » ?
Ne pas se battre pour ne pas descendre, un maintien avec plusieurs victoires. Au final, nous avons deux victoires contre le Coq Mosan, une contre Frameries et un match nul contre Dendermonde. Pour vraiment s’inscrire dans l’objectif, il faudrait une victoire supplémentaire mais nous y arriverons peut-être.
Comment expliques-tu la faiblesse des clubs du district de Liège par rapport aux clubs de Bruxelles et du Braban wallon ?
Des investissements inférieurs, à l’exception du Coq Mosan. Les clubs bruxellois et du Brabant wallon sont dans une meilleure dynamique. Les anciens restent ou reviennent et complètent le groupe d’entraîneurs.
Est-ce-que le centre de formation, basé à Liège, a un impact ?
Pas encore. Il y a bien quelques joueurs du district au centre mais, probablement, si le centre avait été basé à Mons ou Bruxelles seul un serait resté parmi les 3-4 joueurs actuellement présents.
Que réponds-tu à ceux qui plaident pour une relocalisation du centre à Bruxelles ?
Il faut refaire l’historique du Centre initié à Liège en 1999 puis déplacé à Seraing, Visé puis à Mons durant 5-6 ans où l’évaluation plaidait pour une unité de lieu entre l’école, le logement et les installations sportives. Seul Liège nous a été proposé, au Blanc Gravier, accompagné d’aménagement des infrastructures dans les trois années à venir car la qualité des hébergements pour des jeunes qui restent à l’année, est parfois difficile dans les périodes climatiques difficiles que l’on connaît l’hiver.
Tu mentionnes le logement, beaucoup de pensionnaires et leurs parents pointent aussi la nourriture. Que leurs réponds-tu ?
Il fait savoir tout d’abord qu’il y a une enquête de satisfaction durant les congés scolaires qui est réalisée où les fédérations remplissent un document : il n’y a jamais eu d’insatisfaction. Les réponses sont toujours très positives !
Donc tout est en ordre ?
Au centre de formation, la personne qui travaille en cuisine a longtemps préparé des plats qui peuvent plaire aux adultes mais pas nécessairement aux plus jeunes. Donc ce qui lui a été demandé, c’est de réaliser une cuisine plus simple comme il le fait durant les congés scolaires. Nous l’avons initié depuis un mois et il n’y a plus de plaintes.
Le centre de formation (CF) peut-il se considérer comme un véritable centre de haut niveau ?
Peut-être le cahier des charges de l’ADEPS peut-il être repensé par rapport au Centre de formation et à certaines activités. Sur l’alimentation, par exemple, il n’a pas été intégré qu’un gamin de 16-17 ans qui joue au rugby a un besoin énergétique très important.
Bien qu’il soit unique, le Centre de formation n’attire pas tous les meilleurs joueurs du pays. Comme l’expliques-tu ?
Tout d’abord, on ne peut forcer les gens à s’y rendre. Ensuite notre système de détection reste intéressant. Nous identifions dés l’âge de 15-16 ans désormais. Donc, nous suggérons mais nous expliquons aussi qu’il y a un certain nombre de contraintes.
Le Blanc Gravier. (Photo Sportkipik.be) |
Quelles sont-elles ?
Etre en mesure, du lundi au jeudi, d’enchaîner l’activité rugby après une journée de cours puis terminer par un repas et les études. Programme dans lequel sont intégrées dans les cours deux matinées de rugby. Quand il arrive le dimanche soir, le stagiaire doit être prêt à vivre cela.
Enregistrez-vous beaucoup d’abandons ?
Peu et il faut savoir que les résultats scolaires sont obligatoires
Donc, si un joueur double, il est automatiquement exclu. N’est-ce-pas injuste ? Tout élève a le droit d’échouer ?
Des orientations peuvent être possibles. Il faut apprendre à faire les bons choix. Nous comprenons que c’est dur pour le stagiaire. C’est pourquoi, je pense que l’insatisfaction et la qualité de nourriture correspondent à cette frustration, comme d’autres iront râler sur certaines personnes.
Comment évaluez-vous la réussite du Centre de formation ?
Notamment, en évaluant les joueurs repris dans les équipes nationales. Quand on est au centre, on doit pouvoir prétendre à jouer en équipe nationale de jeunes.
Est-ce-le cas actuellement ?
A 80% car il y a des joueurs qui sont blessés et d’autres qui ne confirment pas ou qui abandonnent le projet mais, dans ce cas, très souvent, il y a un lien entre le sport et les études.
Sais-tu combien de joueurs actuellement repris chez les Diables Noirs sont passés par le Centre de formation ?
Selon mon dernier recensement, 13 joueurs parmi 30 de l’équipe nationale sont issus du Centre de formation.
Certaines voix critiquent le niveau d’entrée exigée pour entrer au Centre de formation. Le CF doit-il accueillir un minimum de joueurs pour fonctionner ?
Non mais on peut comprendre qu’il faut 20 à 25 joueurs pour faire au minium du 10 contre 10.
Comment le Directeur technique de la LBFR réagit au choix d’un joueur désireux de rejoindre la France au lieu d’aller au Centre de Liège ?
Quitter la Belgique pour jouer en France, je crois que cela s’inscrit dans un rêve et je peux comprendre qu’un jeune joueur ait envie d’accomplir un tel rêve. Mais ce que je trouve dangereux, c’est l’absence de garantie d’encadrement social et de projet de vie adéquat.
Tu fais référence aux conventions de stage ?
En effet, peu obtiennent une convention de stage, c’est-à-dire qu’ils peuvent s’entraîner avec le club mais ils ne sont pas repris au centre de formation, ils sont donc logés dans des conditions souvent difficiles. Mais, ce qui me fait aussi peur, c’est le risque de ne pas arriver à un aboutissement scolaire, parce qu’il y a l’après : quand on a passé trois, quatre ans en France et que l’on doit revenir en Belgique sans diplôme. Bref, il y a toute une série de paramètres dont il faut tenir compte, ce n’est pas toujours facile mais le changement des catégories en France va très certainement changer la donne.
Tu songes ici au passage aux années paires qui commence à agiter également ici (U6, U8, U10, U12, U14, U16, U18). Pourquoi la Belgique se sent-elle obliger de s’aligner sur la France ?
C’est une réflexion qui est venue des clubs belges qui organisent des échanges avec la France et qui se sentent contraints de s’aligner sinon ils risquent d’être en décalage.
Mais un autre pays tout aussi frontalier depuis qu’un tunnel a été creusé sous la Manche, vit sous un autre système …
En prenant cette décision, nous nous alignons aussi sur les catégories de l’IRB.
L’une des plus grosses conséquences de cette réforme, en France, est la disparition de la catégorie dite Reichel et le passage au statut senior des joueurs âgés de moins de 19 ans.
Je ne pense pas que cette réforme se fera dés septembre prochain.
Pourquoi ?
Ce type de décision doit se prendre à l’Assemblée générale et, généralement, on vote en juin non pas pour la saison qui s’enchaîne mais la suivante.
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Mais, d’après toi, cette réforme a toutes les raisons de passer ?
Disons que nous ne nous sommes pas encore arrêtés sur une décision finale. Ce qui revient, c’est que nous sommes tous d’accord pour faire : – de 16 ans, – de 14 ans, – de 12 ans, – de 10 ans, – de 8 ans, – de 6 ans. La problématique se situe au niveau des juniors : va-t-on valider trois années donc des U19 avec des – de 17, – de 18 et – de 19 ans avec la problématique des – de 17 qui jouent avec des – de 19 ans et des questions : la différence de gabarit, l’alignement des – de 17 en première ligne.
Mais si vous créé des U18, que deviennent les U19 ?
La question se pose de créer une nouvelle catégorie mais il y a très peu de clubs qui sont en mesure de présenter une catégorie U20 ou U21.
Sur quoi te bases-tu ?
Nous avons fait un recensement il y a quelque temps sur la base des licenciés correspondant à cette tranche d’âge. Il en résulte que cinq clubs pouvaient prétendre à aligner 25 joueurs pour bâtir une telle équipe.
Est-ce-que le développement du rugby belge ne passe-t-il pas par une telle catégorie ?
Oui. J’ai fait en réunion de commission la proposition suivante : pourquoi ne pas faire une ou deux années tests. On accepterait les associations de club ou des équipes de district en attendant l’augmentation du nombre de licenciés. Le jour où nous aurons atteint le nombre de 13 ou 14000 licenciés, ce sera réellement possible de le faire. Aujourd’hui, à 11 000, c’est effectivement compliqué.
Ce manque de licenciés expliquerait que dans les catégories jeunes, à l’instar de l’élite senior du rugby belge, on assiste également à des championnats à deux vitesses ?
Je pense qu’avec un peu plus de licenciés, certains clubs actuellement qui ont des difficultés à réunir 25-30 joueurs, auraient plus de facilités. Faire un entraînement à 10 joueurs, même si c’est mieux qu’à 7 ou 8, c’est encore la réalité d’un certain nombre de clubs en Belgique.
Un pays comme la Belgique doit-il, par conséquent, s’orienter vers un rugby à 7 pour se développer pleinement ?
Il n’y a pas de cause à effet.
Actuellement, il semble qu’il y ait deux écoles au niveau international : ceux qui pensent que le rugby à 7 va favoriser le développement du rugby à 15 et ceux qui considèrent qu’en l’absence d’une équipe à 15 fiable, il est préférable de se consacrer au rugby à 7. Qu’en penses-tu ?
Je crois qu’il faut commencer par décomposer la notion du rugby à 7. Il y a un contexte politico-sportif : le rugby est devenu olympique. L’ADEPS et le BLOSO poussent pour que les disciplines olympiques soient représentées et représentatives. Les fédérations doivent répondre également à une volonté politique de l’IRB. Ensuite, sur la formation du joueur, je pense que le rugby à 7 est vraiment quelque chose d’important. Il y a un transfert des compétences entre le rugby à 7 et le rugby à 15 qui est indéniable. Inversement, il y a aussi par moment des aspects de cette pratique qui pourraient diminuer certaines compétences.
Qu’entends-tu ?
Un cycle de rugby à 15 de compétition, de haut niveau, ne peut interférer avec du rugby à 7. La défense s’organise différemment, l’attaque, aussi.
Nous devrions donc voir de moins en moins de transferts de joueurs du rugby à 7 au rugby à 15 ou vice et versa ?
Pas nécessairement mais par rapport à une planification à 15 bien pointue, il faut rester dans la philosophie et les comportements du 15.
Mais pour toi, l’acquis du 7 – avec ces limites sur certains postes notamment – sert au quinziste, n’est-ce-pas ?
J’en suis persuadé et j’en veux pour preuve les Blacks ou les Australiens.
Justement, dans la formation du joueur et cette volonté de rechercher l’espace au détriment du combat, les pays de l’hémisphère sud enseignent chez les jeunes le touch rugby qui n’est pas du rugby à 7 mais qui y prépare. Dans vos réflexions, avez-vous déjà pensé à l’intégrer dans la formation des jeunes belges ?
Je ne suis jamais allé sur place mais j’ai l’impression que le rugby est pratiqué dans les cours de récréation, la rue alors que les nôtres seront sur du football, à 4 contre 4. Nous n’avons pas cette particularité de jouer du touch en-dehors du club.
Certes mais vous pourriez néanmoins le formaliser dans un championnat jusqu’à un certain âge, pour bénéficier de ses qualités qui semblent porter leur fruit quand on observe la supériorité des équipes de l’hémisphère Sud ?
Ceux qui veulent le travailler à l’entraînement peuvent le faire et nous le travaillons mais, quant à la décision de mettre en place une compétition, cela me paraît difficile car il me paraît compliqué de placer une nouvelle compétition dans le planning de la saison. Par contre, organiser des tournois serait envisageable.
Les calendriers sont effectivement chargés mais avez-vous déjà songé à créer des compétitions plus resserrés, plus intenses comme par exemple, un championnat à 7 durant l’automne et un championnat 15 au printemps ?
Nous avons essayé il y a 3, 4 ans de ré-impulser les tournois de rugby à 7 en mai-juin. C’est très difficile. Est-ce lié aux examens ? Aux joueurs qui considèrent que la saison est terminée ?... Bref nous avons constaté que la période n’est pas idéale mais ce n’est pas pour cela que nous n’allons pas la réactiver. Ensuite, faire du Seven au mois d’août-septembre implique une bonne préparation du joueur car c’est une activité qui sollicite énormément le joueur, nous risquons un certain nombre de blessures.
Que proposes-tu alors ?
Personnellement, je serais favorable à reprendre la saison à 15 plus tôt. On pourrait recommencer à jouer fin août au lieu de commencer vers la fin septembre mais, à nouveau, que ferait-on de la pause ?
Quel est ton jugement sur le parcours des Diables Noirs et le constat final d’échec puisque l’équipe n’est pas parvenue à se maintenir ?
Je pense qu’il faut avoir une vision globale du travail réalisé par Richard McClintock au cours de toutes ces années, de l’évolution au niveau du classement (de la 53ème à la 23ème place), du travail sur le groupe qui a été fédérateur, qui a permis de mettre de l’ordre dans la maison à partir d’un état d’esprit, un groupe soudé, des joueurs combatifs et le jeu pratiqué par Richard depuis le début.
Peux-tu décrire ce jeu ?
Des conquêtes fortes.
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Etait-ce le bon choix, à ce niveau, face à des équipes qui ont déjà joué la Coupe du Monde ?
On peut se demander si nous n’aurions pas pu ou tenté de pratiquer un rugby qui aurait posé plus d’incertitudes sur l’adversaire. Ensuite, il faut se poser la bonne question : a-t-on les joueurs pour faire un rugby où on va proposer plus de volume de jeu ou faire peser cette incertitude ?
Etant donné ta position, tu peux sans doute répondre à cette question : peut-on tendre vers ce rugby ?
Je pense que oui. Il faudra plus de vitesse, plus de déplacement du ballon mais nous avons des joueurs qui prouvent qu’on peut pratiquer un rugby de haut niveau pour fixer, perturber l’adversaire, franchir et marquer.
Comment mettre en place ce rugby ?
Il faut pratiquer, se retrouver, passer du temps, beaucoup s’entraîner.
Tu mets le doigt sur un problème très souvent discuté, celui d’un groupe où beaucoup de joueurs évoluent en France. Faut-il les réunir plus souvent ou ne sélectionner que ceux qui évoluent en Belgique ?
Cela fait partie des moyens mis à disposition. Je pense qu’il faut rassembler plus souvent les joueurs. En tous les cas, avoir un volume d’entraînement plus important. Il faudrait peut-être organiser des blocs, sur des périodes, pour éviter d’avoir des frais de transport trop important. Mais si on veut faire évoluer le jeu, c’est clair, il faut que les joueurs aient le temps pour s’entraîner.
N’est-ce-pas facile de parler une fois la campagne terminée ?
J’avais proposé il y a trois ou quatre ans à notre ancien président Dany Roelands, quand nous étions encore en division 1B, d’amener beaucoup de jeunes joueurs dans ce groupe, de les faire bosser avec des joueurs plus expérimentés et de tenter d’amener le jeu dont j’ai parlé.
Ce jeu s’oppose au jeu de conquête de l’actuel sélectionneur national…
Il faut une forte conquête mais après, dans l’utilisation, il y a une prise de risque.
Tu aurais aimé les voir prendre plus de risque ?
Je proposais d’incorporer beaucoup plus de jeunes dans le 1B.
Ces jeunes que tu avais identifié, ont-ils toujours le niveau ?
Le problème est que si on ne les intègre pas au groupe, ces joueurs décrochent vite, en trois ou quatre mois. Je ne parle même pas d’augmenter leur niveau mais de les garder. Nous l’avons constaté, leur performance en club ont diminué.
Des noms ?
Ce n’est pas le lieu pour cela.
Peut-on s’attendre au développement d’un pôle performance à 15 à l’instar du 7 qui semble bien fonctionner avec notamment ce rendez-vous tous les mardis matins ?
Certainement mais il faut savoir que quand je l’ai crée, le rugby à 15 était également représenté au sein de ce pôle performance.
Que s’est-il passé ?
Il y avait au début un entraîneur spécifique pour les avants du 15. Cela a été un échec car la présence des joueurs était insuffisante.