L’Interview du Jeudi, par Alain Bloëdt |
Titularisé pour la première fois avec son nouveau club, l’AS Montferrand (défaite le 8 novembre contre le Stade français 09-14) et qu’il devra affronter la concurrence directe de Nick Abendanon, l’un des meilleurs européens au poste d’arrière, il a accepté pour Sportkipik de répondre à toutes nos questions.
Il y a un an, après la Tournée d’automne 2014, tu m’avais dit que tu avais passé « un mois incroyable dans ta vie, dans ta carrière mais également un mois compliqué ». Avec tout ce que tu as vécu depuis, comment te sens-tu aujourd’hui à l’aube d’une nouvelle saison, mais également d’une Coupe du monde terminée au stade des ¼ de finale ?
La même chose. Des moments très forts, pour la vie mais c’est compliqué. Nous avions des ambitions mais finir comme cela après cinq mois de travail… Néanmoins, cela reste un privilège d’avoir joué cette coupe du monde pour la France.
Tu n’as pas échappé aux critiques concernant la défaite contre les All Blacks, mais de l’avis général, tu as été l’auteur d’un Mondial globalement honorable. Partages-tu cette opinion ?
Je préfère que l’équipe performe. Le plus important, c’est le collectif. La seule chose qui m’importait, à titre personnel, c’était de tout donner, de ne pas avoir de regrets.
Et aujourd’hui, as-tu des regrets ?
Non, je n’ai pas de regrets aussi bien dans la préparation que pendant la Coupe du monde. Je ne pouvais pas faire plus.
Un nouveau staff a été mis en place à la tête du XV de France. Quelles sont tes ambitions ?
Il va falloir être bon en club pour postuler à une place, pour le prochain Tournoi des 6 Nations.
L’AS Montferrand, comme nouvelle aventure après ce mondial qui s’est terminé prématurément, c’était l’idéal non ?
On verra dans trois ans si c’était le bon choix.
Avais-tu été en contact avec d’autres clubs ?
Oui, plusieurs.
Lesquels ?
Joker.
Pourquoi ton choix s’est-il porté sur Montferrand ?
L’ASM, c’est le club le plus constant des dernières saisons, tant en France qu’en Coupe d’Europe.
Qu’est-ce-qui change fondamentalement ici de ton ancien club, l’Aviron Bayonnais ?
Le club est stable même si Bayonne reste un club proche de mon coeur. C’est grâce à l’Aviron que j’ai été sélectionné en Equipe de France mais, à 29 ans, j’avais envie de relever de nouveaux défis.
Et des titres ?
On connaît l’histoire. Clermont a du mal à gagner. Je ne vais pas dire qu’avec moi, tout va changer mais c’est un challenge très motivant à relever.
Quid de l’environnement ?
Les installations sont impressionnantes. Tout est réuni pour performer !
Et la concurrence avec Nick Abendanon (NDLR : l’international anglais, passé par Bath, a rejoint l’ASM la saison passée et a été immédiatement élu Meilleur joueur européen) ?
J’avais envie d’aller au plus haut. La concurrence, c’est normal à ce niveau mais je suis certain que cela se passera bien avec Nick.
Je reviens sur la défaite contre la Nouvelle-Zélande. Après coup, la fracture n’a-t-elle pas eu lieu après le match contre l’Irlande ?
C’est toujours plus compliqué de bosser après une défaite. C’est plus simple pour la confiance après une victoire mais ce n’est pas une excuse. Si tu perds deux matchs dans une Coupe du monde, tu ne peux pas espérer ramener le trophée.
Malgré la défaite en quart, as-tu continué à regarder la Coupe du monde ?
Oui bien sûr. N’importe quel fan de rugby a envie de regarder ce rendez-vous. C’est le plus haut niveau.
Qu’est-ce-qui rend la Nouvelle-Zélande presqu’invincible ?
Je ne sais pas mais ce que je sais, c’est que la meilleure équipe a gagné. Trois défaites en quatre ans !
Tu les as joué pendant 80 mn, qu’est-ce-qui t’as marqué chez ces All Blacks ?
Les skills des joueurs sont énormes. Les piliers jouent comme des trois-quarts, le 10 contrôle avec sérénité, les 2nde lignes font des chisteras ou des passes sur un pas, etc... A tous les postes, les Blacks ont presque les meilleurs joueurs du monde et ils se sentent entre eux !
Aviez-vous adopté une tactique en ¼ de finale pour les battre ?
Oui, comme pour chaque match, on essaie mais ce n’est pas toujours facile de la mettre en place, sous pression.
Et face à la Nouvelle-Zélande, que s’est-il passé ?
Malheureusement, nous ne gardions pas le ballon assez longtemps.
On est frappé lorsqu’on t’entend ou lorsqu’on te voit jouer par ta détermination. Tu ne doutes jamais ?
Si bien sûr mais même si je fais un mauvais choix, je vais à 100%.
Comment construit-on de telles certitudes ?
Sans doute avec l’expérience. Le doute n’est pas bon conseiller.
Cela est vrai chez les amateurs comme chez les professionnels, le mental fait généralement la différence entre deux joueurs techniquement du même niveau. Comment le travailles-tu ?
Je me sens bien en match grâce à la préparation qui la précède et qui commence dés le lundi précédent. J’ai appris avec le temps à bien manger, bien me reposer, bien me sentir, faire de bons entraînements. Cela me donne confiance et me rend plus serein.
Berbizier te qualifie de relanceur, Lagisquet de contre-attaquant. Comment te définis-tu ?
Ce sont effectivement mes points forts. J’aime remonter les ballons à la main même si ce n’est pas toujours évident et que le jeu au pied est aussi une alternative.
Tu es un demi d’ouverture de formation. Serais-tu capable de revenir à tes premiers amours ?
Non, 15 est désormais mon poste préféré. Au niveau professionnel, il y a beaucoup de pressions sur le 10. J’aime l’arrière car le poste m’offre plus de liberté, c’est que ce je préfère !
Dans le rugby moderne, quelles aptitudes un jeune devrait-il développer dans sa formation pour jouer arrière ?
Un arrière aujourd’hui doit avoir un jeu au pied solide et être capable de faire jouer les autres car c’est un créateur capable de faire avancer l’équipe aussi bien au pied qu’à la main.
Est-ce-un poste qui a évolué ?
Oui car il y a quelques années, l’arrière, c’était encore un poste pour attaquer ou être le dernier défenseur. Aujourd’hui, c’est toujours le cas mais le jeu au pied est devenu une réelle exigence, accompagné par la responsabilité de remettre son équipe en jeu, sur certaines actions.
Ton jeu au pied notamment en longue distance est une de tes marques de fabrique. Comment le travailles-tu ?
Après les entraînements collectifs, je m’entraîne à trouver la bonne frappe et quand je l’ai, dans le match, cela arrive tout seul.
La distance est donc moins prioritaire ?
Avec une bonne frappe, les distances arrivent toutes seules.
Est-ce-que tu t’inspires du football ?
Non, je n’ai pas joué au foot. Je crois que cela passe par le travail, 30-40 mn après les entraînements et quand cela ne passe pas en match, la session suivante sera plus longue.
Quelle influence a ta culture sud-africaine dans ton jeu ?
Peut-être la rigueur et la discipline. Les gens en Afrique du Sud travaillent beaucoup. Moi, je prends confiance si je donne plus que les autres à l’entraînement. J’ai gardé cela.
Et concernant la technique ?
Quand je suis arrivé en France, j’avais plein de défauts. J’ai réellement appris le rugby en France. Aujourd’hui, je ne sais pas franchement s’il y a des éléments de mon rugby que j’ai ramené d’Afrique du Sud.
Tu joues en France depuis longtemps maintenant (NDLR : finaliste de la Coupe du monde des -21 ans en 2006 face à la France, il débarque quelques mois plus tard à Brive). Comment expliques-tu cette difficulté à remporter des matchs à l’extérieur ?
J’ai également souvent posé la question. Je ne sais pas, si le déplacement, si l’ambiance dans le stade où il y a 15 000 pour une équipe et 50 pour l’autre jouent véritablement un rôle. Mais j’aimerais bien trouver aussi la réponse !
Arrives-tu à comprendre cette approche française ?
En tous les cas, je ne suis pas sûr que ce soit uniquement français puisqu’il y a de plus en plus d’étrangers en France dans les équipes !