Ce 13 novembre, un ’TMO’ ainsi qu’un Citing commissioner (Commissaire à la Citation) ont donc officié au Stade Nelson Mandela à l’occasion du test-match entre la Belgique et le Canada (0-24). Ayant tenu le rôle de Citing commissioner, Philippe Lenne nous en dit plus sur les deux fonctions.

Pour la première fois en Belgique, on a donc eu droit à un TMO. Comment cela fonctionne exactement ?
Philippe Lenne : "Sur tous les matchs World Rugby et même sur certains matchs Rugby Europe, il y a une équipe de quatre arbitres. Le TMO fait entièrement partie du travail d’arbitrage. Mais cela nécessite d’avoir 6 ou 7 caméras. Le TMO a plusieurs rôles : d’abord il intervient sur demande de l’arbitre pour valider des phases sur lesquelles le trio sur le terrain a un doute ou une demande spécifique. Cela peut concerner les essais, le foul play, etc."

"Ensuite le TMO peut intervenir de sa propre initiative pour notifier un élément à l’arbitre qui nécessite l’arrêt du jeu ou pour déjuger une décision (comme sur le match féminin France-Black Ferns de samedi dernier où un essai initialement accordé a été annulé)".

"Mais aussi, le TMO est là pour conforter l’arbitre dans ses décisions, pour l’encourager car sa vision est complètement différente et sans pression du public. C’est une gestion qui demande de très bien connaître l’arbitrage et le trio. D’ailleurs c’est un rôle qui maintenant est devenu obligatoire dans la formation de tous les arbitres World Rugby, même pour le Top 10 mondial !"

Et en addition, tu as donc officié comme ’Citing commissioner’, là aussi une première en Belgique ?
P.L. : "Oui, c’est la nouveauté. World Rugby a désigné pour tous les matchs de la fenêtre internationale de cet automne des ’Citing commissioner’ et des ’local citing commissioners’. Le citing reste à la maison (un Italien lors de Belgique-Canada) et regarde le match à la télévision. Et moi en tant que citing local, je lui sers de paires d’yeux supplémentaires, je collecte les rapports de blessures, les interviews des joueurs quand nécessaire et je prends les plaintes des managers si besoin est".

"Sur les matchs officiels de la fenêtre d’automne comme Belgique-Canada, tous les acteurs doivent être accrédités par World Rugby. C’est le cas des arbitres, des TMO et des ’citing’ mais aussi des commissaires de match, responsable de A à Z du déroulement de la journée. Il faut savoir que la rencontre était retransmise en direct sur la TV de World Rugby, tout comme le match des Barbarians francais. Ici en Belgique, seuls Alan Wells, Frank Michiels et Johnny Meersman peuvent opérer sur ce type de matchs. Samedi dernier, Alan et Frank étaient ainsi en charge".

En quoi consiste exactement le rôle du Citing commissioner ?
P.L. : "C’est un aspect que l’on connait peu. Mais il est fondamental. Les ’Citing commisionner’ sont le garand final de l’application des consignes concernant la sécurité des joueurs, sur tous sur les gestes dangereux et notamment autour des plaquages. On contrôle donc l’application du protocole World Rugby sur les plaquages hauts. Le citing revoit donc toutes les phases litigieuses de chaque match et passe en revue la check list. Tout ce qui n’est pas jugé adéquatement par les arbitres pendant le match mais qui aurait mérité une rouge peut être cité. Les arbitres qui n’ont parfois pas de TMO ou qui ont une vision différente de la phase peuvent parfois diminuer le niveau de sanction, ce qui est compréhensible. Le citing est donc là pour corriger le tir, dans l’intérêt de l’intégrité physique des joueurs, avec les images et un protocole rigoureux servant de preuve".

Qui peut assurer ce rôle et comment es-tu arrivé là ?
P.L. : "Les ’Citing commissioner’ ne peuvent exclusivement être que des arbitres (en retraite :-) ) qui ont une compréhension du jeu, des règles et de leur application ainsi que des dynamiques de plaquage. Avec la vitesse du jeu actuel, le nombre de gestes dangereux mais involontaires est juste énorme".

"Après ma retraite arbitrale en septembre je voulais rester dans ce monde très technique car c’est ce qui me plaît avant tout. Au mois d’avril dernier, Frank Michiels et moi avons suivi la formation World Rugby. Le reste est une succession de chance et de bonnes rencontres. Je suis maintenant dans le groupe des Citing de l’EPCR (trainee)".

Tout s’est bien déroulé lors du match Belgique-Canada ? Tu n’as pas eu à intervenir ?
P.L. : "Pendant le match non, ce n’est pas mon rôle. Après le match, on a échangé jusque 22h avec mon collègue en Italie pour finir le rapport. J’avais sélectionné environ 15 clips à analyser. Et le dimanche matin, on a clôturé le rapport à World Rugby".

"Par contre, c’est le TMO qui notifie l’incident de la carte rouge. C’ est lui qui la voit alors que le trio sur le terrain n’a pas eu la même perception du plaquage. Dans le cas où le TMO ne serait pas intervenu, alors le processus de citation serait intervenu dès le soir même pour compenser l’omission ou la non décision".

Et en Belgique, à quand des TMO ou des Citing commissioner ?
P.L. : "Le problème ce sont les images. Un citing se fait principalement avec la preuve par l’image. Et les angles peuvent donner des versions très différentes d’une phase. Donc pour le moment on ne peut rien faire. Par contre, le but des citations est aussi et surtout d’éduquer en démontrant les mauvaises pratiques. Et pour cela, pas besoin de 7 angles. Je peux sortir 5 vidéos par week-end avec les images que je reçois pour montrer ce que l’on ne veut pas voir chez les plaqueurs. Et c’est sur ça que je veux travailler pour le moment avec Fred Cocqu (ndlr : le Directeur Technique de Belgium Rugby). Dans notre monde amateur, pas besoin de sanctions pour faire comprendre et modifier des comportements en toute collaboration avec les clubs".


(Photos P.Lenne)